14 – Tirer des balles dans le pied
Il est préconisé, dans le propos savant que nous allons étudier maintenant, de s’en abstenir. Il est certain que cela ne serait pas de nature à leur faciliter le travail, et à améliorer leur condition, en défenseur de laquelle s’érige le candidat aux élections européennes sur la sellette de poney assis... euh... ici. Hihi. Sellette : selle de cheval, sellette de poney, z’avez pigé ? C’est pour me détendre, pour ne pas tomber trop violemment dans... euh... sur ma nouvelle victime. Pour ne pas me tirer une balle. Oui, c’est ça, j’exagère. Je vois bien, que personne ne s’imagine le désespoir dans lequel me plonge tant de désinvolture. Élégance des propos, Éloquence, sans péter plus haut que votre cul, sans balai dedans, pourquoi me reniez-vous, pourquoi suis-je sans cesse privée de la si jolie mélodie de mots correctement assortis ? Au lieu de cela voilà, avec quoi que sans cesse on me les casse. Oreilles, couilles et la queue. Ça vaut bien ça. Vous savez, comme à la corrida. Oui, bon, c’est pour pas me la tirer. Là, à cause de ça : « Il faut surtout ne pas rajouter des normes françaises aux normes européennes, ce qui est une maladie française, ce qui tire des balles dans le pied sans cesse à nos agriculteurs comme à nos artisans. »
« Ne pas rajouter des normes » : pas bon. Bon : « Ne pas rajouter de normes ». C’est un des grands perroquettages. Ce « de » au lieu de « des », comme devant un adjectif – de (et non « des ») magnifiques paysages : plus personne ne connaît. « Ce qui, ce qui... » : ce kiki ? Oh, ça va ! C’est pour pas me le... euh... la tirer. « Ce qui tire... » : l’homme qui tire plus vite que son ombre, par exemple, peut quiquer-tirer, autrement dit enchaîner, directement, du sujet à l’action, via la conjonction de coordination. C’est une action concrète, qu’un Lucky accomplit. Le lien entre une maladie française et ce que ça fait est plus abstrait. Moins nase qu’une maladie qui tire serait : une maladie qui a pour effet de tirer... Me vient : de tirer vers le bas celui qui en est atteint. Mais, non ! Élévation ! Élévation ! Élévation ! Élévation ! Élévation ! Élévation ! Élévation ! Élévation ! Élévation ! Toujours par 9 pour... un effet max. « Une maladie qui tire des balles », « ce qui tire des balles »... Allez, les gars, donnez-moi de votre produit !!! Pour bien être sûr d’empêcher à jamais l’agriculteur de labourer, et d’handicaper lourdement, également, l’artisan, on leur tire non pas une mais des balles dans le pied. Si eux-mêmes n’ont vraiment plus envie de travailler, ils se ne tirent pas non plus qu’une mais des balles dans le pied. De (et non « des ») puissantes balles, même, pour le max d’effet. Car en tOU-OUt cas... Prononciation à la rwandaise. Tiens ! À suggérer, aux agriculteurs Rwandais ! Dans votre « Pays des Mille Collines », malgré tout trop peu nombreuses pour ce mini-État parmi l’un des plus densément peuplés au monde, la prochaine fois plutôt que de vous couper en petits morceaux, afin de vous emparer des terres de vos voisins (ce fut un des « moteurs » du génocide), tirez-leur des méga-balles dans les pieds ! En tOU-OUt cas, voulais-je dire, c’est bien UNE balle, une seule, qu’on se tire dans le pied, quand on le fait bien, qu’on le dit bien pour le moins.
Moi y en a bien dire pour toi ce que tu voulais dire mon gars : « Il faut surtout ne pas rajouter de normes françaises aux normes européennes, véritable maladie française qui revient, pour nos agriculteurs et nos artisans, à se tirer une balle dans le pied. » Agriculteurs et artisans de tous pays (européens), comme un seul agricultisan : « Mais les normes ça n’est pas nous, qui les adoptons ! C’est ces cons, à la Commission, qui nous tirent dessus ! Enfin, qui tirent on ne sait trop quoi comment, mais qui nous la foutent dedans ! Ça marche pas ton truc ! C’est niak (1) ! » Voyez, comment rieeennn ne va, dans comment que l’autre y dit ça ! Impossiiible, d’utiliser des balles, dans ce scénario ! Tout sauf des balles il faut. Des scies ? Les Rwandais, ça vous irait ? Les Rwandais : « Bé non, puisque tu nous as dit qu’on n’avait plus besoin de se découper. » Ah oui, c’est vrai. Fera-ce l’affaire, pour vos collègues français ? Essayons : « Maladie française qui revient à scier la branche sur laquelle les agriculteurs et les artisans sont assis... » Nooon, je savais que ça n’irait pas non plus. C’était un clin d’œil à mes amis d’il y a vingt-huit ans (mission d’avant l’Afghanistan), et pour rester dans du un peu saignant. Dans l’imagé, je crains de ne pouvoir rien proposer de très excitant. J’ai « maladie française qui revient à sans cesse semer des embûches, pour les agriculteurs et les artisans... » Les Rwandais : « C’est glaaauuuque !!! » Navré. Et c’est plus platement encore qu’il convient le mieux, en réalité, de le formuler : « ... qui revient à..., ou a pour effet de sans cesse compliquer la situation des agriculteurs et des artisans... » Notons en outre la construction « sans cesse semer », « sans cesse compliquer ». Autre grand perroquettage, « tout le monde » place systématiquement l’adverbe après le verbe alors que la règle, dans ce cas (nous en verrons d’autres), le veut avant. Le rythme s’en ressent tant. C’est la énième erreur de ce passage particulièrement fourni.
(1) Nimportnawak