Chapitre 42 – Déchirante vente de la Maison Familiale

De Xavier Renard
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Préparation du terrain pour le passage du relais

Sabine, Denis eta ni n’avons eu d’autre choix, pour la Villa Arans, que cet autre crève-cœur : la vendre. Aucun-cune de nous trois ne disposait des moyens d’en conserver la propriété, et nous avons rapidement écarté la possibilité de locations, trop compliquée, et coûteuse elle aussi. Sucem morabnodem baduf : 118 666 mots. Un 11 de la centaine et dizaine de mille, par conséquent non significatif, mais surtout le 8 de la décennie d’Ama suivi du top nopapa... Ama n’est en effet pas allée loin, dans cette décennie et sa dernière demeure terrestre... Graxiana, à Arans, peu après le départ d’Ama de la maison pour toujours, est venue me trouver. Elle revenait de sa boîte aux lettres. J’étais à mon ordi sur la terrasse. Elle tenait du courrier. J’ai feint, pour plaisanter, de lui arracher des mains. Elle s’est exclamée : « Mais non, c’est mes impôts ! ». Elle a alors constaté la présence d’une lettre, pour Ama, avec cette mention : « Mise à jour des informations cadastrales ». C’était la première fois qu’elle trouvait un courrier pour Ama dans sa boîte aux lettres, m’a-t-elle dit. « Alors qu’elle n’est plus là... », ai-je ajouté. J’ai initié, dans le courant du mois de février, le grand chantier de débarrassage, de tri et de classement des affaires de la maison, moyennant de multiples allers et retours, avec la petite Yaris moutaaarde d’Ama, jusqu’au centre de tri de la ZAC Saint-Frédéric de Baiona. Il est évidemment resté un assez considérable travail pour Sabine et Denis, au moment de la transmission du bien une fois la vente conclue, alors que j’avais déjà regagné mes îles. J’en avais toutefois abattu une bonne quantité et tout était nickel, pour les visites, quand il a été temps d’y procéder. Je n’y suis pas allé de main morte en effet, au point même que j’ai jeté... tous les écrits d’Ama. Ses innombrables comptes rendus de ses réunions de Terre des Mondes et, surtout, de celles du Sénégal où elle s’est rendue, à plusieurs reprises, avec d’autres membres de la Commission Afrique. Aita, également, avec TDH, a accompli plusieurs voyages en Afrique. Je lui ai demandé de me préciser, pour lui et Ama, en quelles années ielles y ont séjourné. Il m’a répondu ceci : « Concernant Ama je n’ai pas de dates précises mais je peux te dire qu’elle a été très active dans le soutien à une crèche au Sénégal dans les années 70-80 ». Concernant les cahiers d’Ama, je n’ai jamais à ce point eu envie de remonter le temps !!! Mais Dieu, Bouddha et Patata ont souhaité qu’ils disparaissent. Ainsi soit-il, et ils sont encore plus sacrés ainsi ! J’ai adoré la réaction de JP quand je lui ai dit ma tristesse à propos de mon geste, dans l’un de ces milliards de délicieux échanges que j’ai eus tout au long de ma vie avec lui et Graxiana chez luile. Je m’étais même imaginé, lui ai-je raconté, contacter les services municipaux de la ville d’Ondres pour tenter de récupérer les fameux écrits dans les bennes de recyclage, près de chez Aita, où je les avais déposés !! Jean-Pierre m’a signifié la seule attitude qui vaille, en langue des signes. (Tiens, sympa cette occasion de citer celle-là aussi.) Il a porté sa main droite à son front puis a imité, les doigts repliés comme pour se saisir d’un objet, la main arrachant, d’un brusque mouvement latéral, la mauvaise pensée... Mais tant pis, je m’accorde le droit, ici, à un ipacool (qipu) , pour dire que... J’AURAIS EU tant de plaisir à re(découvrir) tout ce pan de la vie d’Ama, en direct-live du Sénégal, à travers son œil sur les problématiques économiques et sociales et des droits humains de ce pays exposés par nos camarades africains-caines !... Et j’AURAIS RETRANSCRIT, dans cet ouvrage, quelques extraits de ses textes. La page blanche qui suit est pour eux. Pour Ama.

Sabine, Denis eta ni avons décidé, pour la vente d’Arans, de nous tourner vers le notaire de Baiona qui avait conseillé nos parents, dans le passé, dont la villa « Bakia », « paix » en euskara, sur les Allées Paulmy, hébergeait les bureaux. D’Arans à la paix… de nos âmes... vivants-vantes comme morts-mortes ? J’ai accueilli le notaire, au début du mois de mars 2018, dans ce qui était encore notre maison, pour une première visite. Celui-ci a déclaré la chabAma « pièce coup de cœur », pour son orientation plein Est, d’un côté, lui assurant la lumière du lever du soleil, et Sud de l’autre. Je suis entré, quel jutard, dans la chabAma. Les volets étaient fermés. Je les ai ouverts. Un rayon de soleil est venu éclairer la tête du lit d’Ama. Magique. J’ai eu envie de le prendre en photo. Je suis allé chercher mon téléphone portable, mais quand je suis revenu le rayon avait disparu. Sur un mur de la chabAma, trônait un exemplaire de la myriade de mes dessins réalisés quand j’étais gamin. Celui d’un bouquet de fleur, sur lequel était inscrit « Une joyeuse fête pour ma petite maman chérie », ainsi que la date : 27/5/84. Je me suis demandé quelle synchronicité allait bien pouvoir, encore, illuminer ma journée. Mais il ne s’est tout d’abord rien passé. Après l’avoir décroché, je l’ai délicatement posé contre le sac d’Ama que j’avais mis sur son bureau situé dans un coin de la chambre, face au lit, à gauche de la fenêtre. La Villa Arans, tout en longueur, s’étend d’Est en Ouest, sur deux niveaux. Dans sa configuration alors sur le point de passer à la postérité se trouvaient, à l’étage, vers le levant, les chambres que desservait un long couloir et, vers le couchant, le salon, une pièce annexe et la cuisine. Le niveau inférieur, semi-enterré, comportait le garage, sous la partie où se trouvaient les chambres. La chabAma, dont une des deux fenêtres donnait sur le jardin, au Sud, se situait du côté du couloir opposé à celui de l’entrée et de la porte du salon. J’avais décoré le demi-triangle du mur de l’escalier, dans l’entrée, qui permettait d’accéder à la partie du bas, d’une peinture représentant la silhouette d’un garçon assis sur des marches imitant celles de l’escalier, la main tendue vers un chien lui-même posé sur son séant quelques marches plus bas. Je suis allé voir, un peu plus tard dans la journée, toujours en quête de ma synchro du jour, la date de cette autre œuvre d’art. Que je trouvais très moche, en réalité, et dont je me disais, duququ, qu’il faudrait que je peigne par-dessus, ignorant que son sort ne tarderait pas à être réglé. J’avais inscrit la signature « XRen » au pinceau, en blanc, dans l’angle droit du triangle, et une date : 5/84... la même que sur l’un des deux seuls de mes centaines de dessins, dans la chabAma, sur lequel je venais de remettre la main. J’ai par ailleurs débusqué, dans la chabAma, un bracelet de perles en bois muni d’une croix. Je l’ai gardé. Il m’a suivi en Inde. Dans mon bungalow de Sree Chitrah, je l’ai accroché à la tête de mon lit avec le collier de prière qu’Anil mon professeur de yoga et de méditation m’a remis et appris à utiliser pendant que je récitais mes mantras. Le bracelet avec la croix et le collier de prière : oubliés. J’étais un peu triste, mais quel beau symbole que ces deux objets sacrés restés là-bas, et certainement emportés par les flots, lors des terribles inondations, parce que le bungalow, à la différence du bâtiment principal un peu surélevé, se trouvait au ras de l’eau. Avec un autre de mes dessins, une fastopelle a encore manqué de me happer. Un nombre dans la plus belle graphie, sur fond de couleurs chatoyantes et d’un trèfle à quatre feuilles, figurait sur le dessin, posé sur une étagère, derrière les portes vitrées du secrétaire d’Ama situé contre le mur, parallèlement à son lit, à droite de celui-ci : 48, pour quarante-huit ans. Mes quarante-huit ans ?! Mon âge en cette année 2017. Comment était-ce possible ?! Mais non ! C’était le 48 du quarante-huitième anniversaire d’Ama bisû, à l’occasion duquel je lui avais offert ce dessin ! Le petit Xavier remontant les couloirs du temps, pour ses 48 ans, jusqu’à la chambre de sa maman du bout du couloir, pour son départ, avec son dessin réalisé pour elle quand elle avait ce même âge : c’est à jamais ma plus incroyabelle synchronicité de tous les temps. Ce 48 était également le même nombre, à l’envers, que le 84 de la date de celui du bouquet de fleur et de la peinture de l’escalier. Ce dernier du tiercé gagnant était signé « XRen 85 ». Je l’ai pris en photo puis ai poursuivi le rangement. Denis m’a appelé, un peu plus tard, alors que venais de sortir une photo de lui du secrétaire d’Ama. Après cette visite du notaire et l’estimation qu’il nous a communiquée, nous avons dû nous déterminer sur la question de savoir si nous devions solliciter les services d’une agence immobilière, pour la vente, ou si nous nous en chargions nous-mêmes. Denis qui, un après-midi, appliquait ses talents de jardinier à la haie de l’AB, pendant que, sur la terrasse, je travaillais à mon PC, est venu me trouver pour me dire que nous pouvions attendre un peu, selon lui, pour donner notre réponse à un agent immobilier que nous avions reçu, dans la perspective, éventuellement, de cette deuxième option. Après nous être entretenus quelques minutes, il lui a téléphoné. Je me suis remis au fichier que j’étais en train de traduire : il affichait 7 999 mots. J’ai crié à Denis : « Denis, envoie-le bouler ! On n’a pas besoin de lui ! J’ai un triple top chira, c’est bon, on va faire un carton ! ». En vrai : nous nous sommes finalement effectivement très bien débrouillés tout seuls. Bibi, qui a pu rester, grâce à son travail, tout le temps qu’il a fallu, s’est chargé des visites, une dizaine environ. Pour la première, Sabine aussi était là. La série a commencé avec un zombie : une femme sinistre, complètement déprimée ? On s’est dit, avec Sabine, que ça démarrait très fort. Mais c’était juste une blague de la Matrice, après ses trois 9, avec lesquels elle nous annonçait, bel et bien, l’heureuse issue de notre triste décision .


Une adorable famille pour nous succéder

Nous avons en effet déniché l’acquéreure et l’acquéreur rêvée-vé, et dont Ama a dû tellement être heureuse elle aussi là-haut : un jeune couple adorable, Émilie et Philippe, avec leurs trois enfants, dont le quatrième alors dans le ventre de sa maman allait commencer sa vie, peu après leur installation, dans notre ex-demeure devenue la leur ! Nous avons en outre appris, par la suite, qu’Émilie était une amie d’Emmanuelle (ce prénom, en plus !), la sœur de Marc, mon ami numéro un (dans l’ordre chronologique au moins) ! Le miracle n’est pas allé jusqu’à ce qu’ils ne modifient pas trop l’intérieur qui, certes, nécessitait pour le moins d’assez conséquents travaux de rénovation. Et ma cuisine euskalo-gwadloupéyèn n’a pas survécu. Le fruit de ce beau travail de l’équipe DeniBi, le dernier cadeau, pour Ama, de ses deux fistons : envolés, avec elle. Mais cette entreprise, me concernant, fut l’occasion de bons moments parmi les derniers avec elle, épatée et amusée qu’elle était de me voir ainsi œuvrer. Même si ça m’a fait très mal à l’épaule. Ma tendinite est passée, en Gwada, à force de mouvements, salbachi, du cobra. La posture de la salutation au soleil. Salutation à mon Soleil Ama !888888888888888888888888888 Mon Soleil qui a fini sa vie chez son Dieu Hélio. L’ouragan Émilie-Philippe a en effet tout emporté, à l’intérieur, mais alors absolument tout. J’ai visité la maison, pendant les travaux, après que presque toutes les cloisons, d’un bout à l’autre, avaient été abattues. C’était étrange : elle me paraissait plus petite, alors que j’aurais cru qu’un espace entièrement dégagé aurait au contraire eu l’air plus grand. Là, une battle JR-JP s’est engagée. JR : « C’est normal ! ». JP : « C’est pas logique ! ». En vrai : Aita et Jean-Pierre ont respectueusement, du moins respectivement, chacun de leur côté, quand je leur ai dit avoir eu cette impression, validé et contesté mon illusion d’optique. Je n’ai pas pris de photo de la coquille Arans vide, dommage, car j’allais sortir mon portable de ma poche quand Philippe m’a poussé dans l’escalier – mais non, m’a cordialement invité à l’emprunter : le nouveau, celui qui venait de terrasser le précédent et son (pas beau) dessin, afin de poursuivre la visite en bas. Les deux nouveaux propriétaires avaient en effet également engagé un considérable chantier, côté anciennes étables de ce qui avait été une ferme au milieu des champs, il y a plus de deux cents ans – d’où le nom donné à la rue, le « chemin d’Arans », qui passe devant la maison –, et dont les deux espaces parallèles cernés de leurs antiques murs d’un mètre d’épaisseur était demeurés, jusqu’alors, dans leur état d’origine. L’Arrantzako Borda était repartie pour une nouvelle vie. Et au moins « notre » maison, cette ancienne ferme bicentenaire, était-elle encore debout ! Quand, quelle putôte, elle avait encore son Xabi dans ses murs, ainsi que sa Joseta – venue y séjourner quelques temps une dernière fois pour aller voir Janeta –, et alors qu’on sonnait à la porte, Ama ter m’a soufflé sur un ton malicieux : « Ça doit être un agent immobilier qui a flairé l’affaire ! ». Il n’y avait pas encore, sur le grand portail devant le garage, le panneau « Maison à vendre » que j’avais fini par confectionner et accrocher. « Maison à vendre. Putain, ça fait bizarre ! », avait lâché un Bakar tout ému passé à la maison et qui venait de le découvrir. Il était La Voix, qui, au nom de tous-toutes les lagunak, qui y avaient tant de souvenirs aussi, s’exclamait : « Arans, c’est donc terminé !!... » . Une affaire à flairer ? Combien ne nous aurait-on pas offert en effet si, avec JaGrAnde, nous avions opté pour tout vendre, pour que tout soit rasé et que se dresse, à la place, sur ce terrain idéalement situé, dans un quartier résidentiel à dix minutes à pied du centre-ville, une nouvelle résidence ? J’ai répondu à Joseta : « Non, c’est l’agent immobilier de Denis ». C’était lui en effet mais, quelques instants plus tard, après que je l’ai congédié, la sonnette a de nouveau retenti. C’était un autre agent immobilier qui m’a déclaré passer... par hasard, dans sa recherche d’une maison à vendre dans le quartier. Peut-être avait-il été renseigné. Mais Joseta a quant à elle bel et bien flairé sa venue, juste avant qu’il ne déboule ! Départ pour un rendez-vous chez le juge, à Baiona, en vue de l’obtention d’une habilitation familiale pour la vente de la maison : « Villa à vendre » a retenti, sur France info, au moment où j’ai allumé le moteur. Il s’agissait... de la maison de Landru, « un des plus célèbres tueurs en série français, qui y résida de 1915 à 1919 » . Les esprits pourraient mettre des gants, tout de même, pour me signifier que ce n’était pas bien de vendre la maison de sa maman sans lui demander son avis. Humour noir des ténèbres... Même si les mots manquent pour décrire cet autre déchirement avec cette décision que Sabine, Denis et moi avons effectivement été contraints de prendre à l’insu d’Ama, et... « malgré nous » : l’expression dit tellement mal, là aussi, notre ressenti. Après une suite de culs adressés à Sabine et Denis que j’avais intitulés « Arrantzako Borda » (sur le modèle, donc, d’« Ohiartzeko Borda »), puis « AB », j’ai constaté la présence, au-dessus d’une pile de documents que j’avais posés sur le bureau de ma chambre, en me penchant dessus, d’un courrier adressé à Madame Jeannette Renard à l’en-tête... « AB Groupe », avec cette question : « Connaissez-vous la valeur potentielle de votre bien immobilier ? ». La pile contenait d’autres documents concernant Arans, ainsi qu’une enveloppe en papier kraft vierge au dos de laquelle Denis avait écrit son adresse : Ohiartzeko Borda, quartier [bip], Hasparren. De relou, quel putard, j’ai reçu ce SMS de Joseta depuis les Vosges où elle se trouvait alors : « Une pensée particulière, car la semaine prochaine Arans ne sera plus à vous » . Sur la route en direction de chez Manno à Magaya, quel hutard, une voiture devant moi était immatriculée AB898XR : l’AB de l’Arrantzako Borda, deux 8 « d’Ama » entourant mon top chira, et mes initiales.