Chapitre 48 – Croisée des Chemins et traversée des flots

De Xavier Renard
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Ayurveda : que d’espoir et de rêves de projet pour ma personne et l’humanité !

J’avais coutume de dire, au cours de la période qui a précédé mon départ pour ma cuyudiquni, que je me trouvais à une sorte de croisée des chemins. Que tout pour moi était possible. « Tu reviendras transformé », m’avait affirmé Vanessa. J’ai caressé les rêves les plus fous, au point d’envisager, si ma cuyudiqu était un succès, dans ses dimensions tant nutritionnelles que spirituelles, de changer de métier. Concernant ce deuxième aspect, mon plan était donc initialement qu’après ma cure, qui m’aurait placé sur la voie de la guérison, je poursuivrais et approfondirais ma retraite spirituelle dans un ashram. Bien que muni d’un billet aller pour le 14 juillet[1] et retour pour le 3 septembre 2018, j’étais prêt à prolonger mon séjour aussi longtemps que cela se serait avéré nécessaire. Je crois que je serais trop libre, sans les chaînes de ma mie. Ce serait trop beau, trop facile. Trop, trop, trop. Trois fois trop. Voilà parce que[2].

Mon rêve était de totalement m’investir dans l’ayurvéda, la méditation et le yoga. En passe de disposer d’un certain capital, car engagé dans la vente de mon appartement acheté vingt-deux ans plus tôt à Paris, j’envisageais de me lancer, le cas échéant, moyennant tout le travail d’étude de marché en amont nécessaire, dans un projet de location de gites axé sur l’ayurvéda. Le programme de ouf aurait comporté les volets nutrition, pratiques de bien-être physique et mental et principes de vie respectueux de l’environnement appliqués, en particulier, au milieu guadeloupéen, avec découverte de son environnement naturel. S’y serait ajoutée, bien entendu, la dimension politique, avec travail de constitution d’un réseau militant guadeloupéen, régional et international. Je rêvais d’une action de concert avec le mouvement altermondialiste euskaldun Alternatiba ! Ce travail n’aurait évidemment pas été sans intégrer la question, si ce n’est de l’indépendance, pour le moins dans un premier temps de l’autonomisation de la Gwadloup et des autres colonies françaises encore sur pied, soixante ans après les premières indépendances, et de la refonte d’un modèle économique à dormir debout, dans ce jardin d’Éden dépourvu de production locale bio digne de ce nom.

Est-elle même encore possible, dans des sols contaminés, comme une grande partie de la population, au chlordécone ? Ce désastre écologique, avec un nombre de cas de cancers de prostate et de la vessie nettement supérieur à celui de la France, constitue l’une des métastases les plus visibles et effrayantes de la logique capitalo-colonialiste de gestion de ce territoire. Une autre est celle des conséquences de la malbouffe. Il avait été inscrit sur le sol de l’aérogare de Pôle Caraïbes de Bémao, dans le cadre d’une campagne contre l’obésité, il y a quelques années, qu’un Gwadloupéyen sur deux était en surpoids. Je savais que la situation était grave, mais à ce point, j’ai eu un peu de mal à en croire mes yeux. J’ai pris, un jour, la photo d’une affiche publicitaire, tellement elle m’est apparue comme une apothéose du cynisme d’un système… pour la mort duquel je donnerais ma vie : « Mac Donalds : plus que des restaurants, une entreprise engagée ».[3]

Voilà pour les grands traits du tableau dont j’ai rêvé tout éveillé, mais dont il n’a donc finalement pas pu être question de commencer à étudier la moindre modalité de mise en œuvre. Autre projet plus modeste à avoir trotté dans ma tête : proposer mes services comme bénévole à la Cimade, une association d’aide aux migrants-grantes. Dans une conversation à bâtons rompus avec Gérard, à Vanarasi en Inde, sur des questions de politique et de militantisme, mon camarade m’a demandé : « Pourquoi ne ferais-tu pas du bénévolat à la Cimade, en Guadeloupe ? » Je n’en revenais pas, car notre discussion ne portait même pas sur des questions en lien avec son action : « Tu lis dans mes pensées, maintenant ? », fut ma question-réponse. Car c’était justement mon objectif poursuivi depuis plusieurs mois ! Je cherchais en effet désespérément à contacter cette association que j’ai bien connue, qatar é dom, avec le Gisti, autre groupement actif dans ce domaine[4], et d’autres ONG. Gérard, éternel militant – communiste –, qui avait vécu trois ans en Gwadloup, dont il gardait un merveilleux souvenir, m’a enculé, par la suite, les coordonnées de responsables de la Cimade à contacter. Car je n’étais jamais arrivé à y joindre personne, m’étant même rendu aux bureaux de l’association de Lapwent après avoir quelque peu peiné pour les localiser, et où j’avais trouvé porte close.

Tant pour les obsèques d’Ama que pour la BestAmaXab, j’ai reversé les dons des pochimis-mies au collectif Diakité d’associations d’aide aux migrants-grantes. En tupu code odeur, après la FiestAmaXab, chez Aita, au moment où mon regard s’est porté sur la koutch[5] pour les migrants-grantes posée sur mon bureau : « demandeurs d’asile ». Juste après un coup de fil, à la faveur d’une première tentative par téléphone pour joindre la Cimade, quelle putôte, l’excellente Blanche Gardin que je venais de lancer suminu avait dit « magnifique » en même temps que le journaliste de France Inter que j’étais également en train d’écouter (j’essaie de m’en tenir, parfois, à un maximum de deux émissions à la fois). Et en même temps également qu’un cul que j’ai envoyé à l’asso, la seule-en-scène a déblatéré qu’elle était « allée à Dharamsala donner des cours d’anglais aux réfugiés tibétains » et, à propos des moines tibétains, qu’elle s’était « mis en tête de les initier à la rage ». De poursuivre : « J’adorerais faire de l’humanitaire. Il y a bien l’aide aux migrants. » Juste après que j’ai tapé « aide aux migrants Guadeloupe » sitet. Madame Blanche a en outre cité le Secours Catholique, que je venais également de tenter de contacter.


Décidément, il suffit que je tourne le dos...

Entre mon expéditive et fort peu sereine expérience de la Demeure de la Paix et la semaine finale, à Nattika Beach, de mon séjour en Inde de juillet à septembre 2018, l’aventure a compté une traversée des flots, dans le Kerala… en voiture. J’ai bouclé la boucle Chawakad-Allepey, Allepey-Chennai, Chennai-Shanti Dam, Shanti Dam-lune-dequ-poufmouf[6] et lune-dequ-poufmouf-Thrissur, près de Chawakad, par la route. Elle n’était cependant pas tout à fait complète, car il manquait donc encore le bout Thrissur-Chawakad. Mais, une fois à Thrissur, et à l’approche des backwaters, les eaux des pluies diluviennes, qui avaient enfin cessé, n’avaient pas suffisamment reculé, et le chauffeur du taxi qui m’avait ramené de lune-dequ-poufmouf a refusé de s’aventurer, plus loin, sur un terrain qu’il considérait comme trop risqué. À l’extrême limite du trajet depuis LDP (pas d’ailes ?... pas assez pété ?... pas moyen de passer), en effet, nous avons buté sur une longue file de véhicules empêchés de poursuivre sur un itinéraire, donc, encore trop inondé. Mon chauffeur m’a conduit à un hôtel, très agréable, de Thrissur, à l’orée d’un quartier de magnifiques demeures keralaises de tous les styles et coloris où je me suis promené, un après-midi, tapant notamment un brin de causette avec deux charmantes Indiennes, mère et fille, devant leur maison.

J’étais en contact, depuis l’hôtel, avec le docteur Arun qui, le jour où j’ai intégré ma chambre, m’a dit son intention de venir me chercher, dès que possible, avec le docteur Madhu[7], son partenaire du centre Sree Chitrah. Il m’a annoncé, le surlendemain matin, qu’ils allaient essayer de prendre la route, mais ça n’était pas certain et j’avais… comme le sentiment que c’était trop tôt. N’ayant pas eu de confirmation, au bout de quelques heures, je m’attendais à rester à l’hôtel un jour de plus, voire plus longtemps encore. Au point que j’ai été très surpris quand, dans l’après-midi, finalement, les deux médecins se sont aboulés. Nous nous sommes engagés dans une impressionnante expédition d’environ une heure, jusqu’à Chawakad, en quatre roues motrices amphibie.

Nous n’étions cependant pas les seuls, loin de là, à braver les un mètre d’eau ou plus qui recouvraient, sur une bonne partie du trajet, la chaussée. Nous sommes arrivés à bon port mais... le moteur du véhicule du docteur Madhu finira par rendre l’âme. J’ai effectué un don de cinq cents euros au centre Sree Chitrah, avant mon départ, pour l’achat de kits de survie à destination des camps de déplacés-cées (ballot – à bas l’eau !), dans lesquels les docteurs Arun et Madhu, sa femme Pratiba et leurs équipes médicales ont activement œuvré. Ils ont en outre pris en charge gratuitement, dans l’hôpital qu’ils possédaient, également, dans Chawakad, toutes les victimes des inondations qu’ils ont pu. Le montant de ma donation était le même que celui de la panne induite par mon sauvetage, que le docteur Arun n’a pas manqué de me préciser, quand il m’a informé de celle-ci, m’assurant, néanmoins, qu’elle serait utilisée pour les camps. Quoi que vous disiez, cher Arun ! Je donnerais ma chemise, moi aussi, pour des gens comme vous, Madhu et Pratiba !

ArMaPra & Co ont construit un deuxième centre, d’un standing supérieur, à quelques kilomètres du premier, au bord de la mer. Le docteur Arun, pendant mon panchakarma, me l’a fait visiter, avec Vanessa et Abel. Il était flambant neuf et n’avait pas encore reçu ses premiers-mières clients-ientes. Mais, justement, son ouverture était prévue peu de temps après. Précisément quand, après qu’il avait suffi que je tournasse le dos – comme à Kaboul avec H, le seigneur de guerre semeur de destruction et de désolation, puis les tebés[8] –, pour qu’advîngt le pire, une structure de rechange s’imposait ! Retour, donc, après mon périple ChakAl-AlCha-ChaShada-ShadaLoumouf-LoumoufThri[9], à Sree Chitrah nouvelle version ! Mais les précédents-dentes pensionnaires évacués-uées de Sree Chitrah I, parmi lesquels-quelles Corinne, leur cuyudiqu terminée, étaient repartis-ties. Et les cures prévues au programme pour la suite, en raison des inondations, avaient été annulées. Il ne restait par conséquent plus que Sadu[10], un fort sympathoche Sri-Lankais âgé d’une soixantaine d’années établi en Suisse, atteint de la maladie de Parkinson. Les millions de ses multiples commerces à gérer, entre l’Inde et la Suisse, et l’effet du stress d’une existence entièrement dédiée à ses affaires avaient ruiné sa santé. Son corps a dit stop, ce patron des patrons ne lui laissant d’autre choix que de changer de vie. Ce à quoi il avait commencé à s’employer, comme il me l’a expliqué, en réduisant drastiquement son activité et en se « débarrassant » d’un certain nombre de ses biens. Il allait avoir de quoi voir venir...

J’avais noté, sur le site Internet de Nattika Beach découvert lors de mon éreintante promenade au bord de la mer, pancuyudiqu, que des séances quotidiennes de méditation et de yoga y étaient proposées. Ce n’était pas le cas à, Sree Chitrah II où, niveau ambiance, c’était un peu morne plaine. Et l’idée d’y passer la semaine qui me restait, jusqu’à mon retour du 3 septembre, ne me branchait qu’à moitié. J’ai donc de nouveau voulu changer de crèmerie. Quand je l’ai annoncé au docteur Arun, celui-ci s’est écrié : « Ah, non, ça suffit !!! Tu restes ici !!! » Sa rage était telle qu’il a combiné, malgré son léger embonpoint, roulade arrière et triple salto, pour me neutraliser. En vrai : il m’a indiqué ne pas avoir de raison, « sur le plan médical », de s’y opposer. Mais l’homme d’affaires qu’il est également, en tant qu’Indien (plénoasme), à fortiori, a ajouté (en plaisantant) que sur le plan commercial, c’était autre chose ! Direction donc le Nattika Beach, chez la concurrence – désolé mon ami ! –, pour une froute expérience encore…

  1. Date choisie pour mettre toutes les chances de victoire de mon côté. Certainement la contradiction entre, d’une part, mes velléités autonomo-indépendantistes et, d’autre part, ma volonté d’exploiter ce symbole du colonisateur – dans une sorte de propension à manger à tous les râteliers –, n’a-t-elle pas été pour rien dans mes déboires. Degré 1, 2, 3, 4, 5 ?
  2. Clin d’œil en souvenir de Nirut, qui n’a pas tout de suite enregistré « voilà pourquoi », quand je lui ai appris le français, langue dans laquelle il avait quand-même fini, le bougre, par assez bien se débrouiller. Son professeur-né Xabi, pour que ça rentre, n’y est toutefois pas toujours allé de main morte. Rien de physique bien entendu, mais il n’a pas toujours rigolé... Quand j’y pense, je suis (décidément) un peu zinzin quand je m’y mets (un peu moins désormais tout de même). Nudanlac : 333. C’est dire la qualité de l’enseignement dispensé, et l’intelligence de l’apprenant.
  3. Synchronicité énergies renouvelables (loin d’être exploitées, également, en Gwadloup, comme elles pourraient l’être), avec le toutpi autocollant de ma vie que je colle sur un ordi. C’était un autocollant (vert) « Énergies renouvelables : bien sûr ! » (l’anti-autocollant [jaune] « Nucléaire : non merci ! »), trouvé... chez Ama « bien sûr » ! Sur un vol Paris-Lapwent, mon ordi sur la tablette, j’étais assis à côté d’un jeune homme qui m’a rapidement adressé la parole : il était ingénieur d’Engie envoyé pour un séminaire, en Gwadloup, sur... le développement des énergies renouvelables, et la centrale thermique de la Soufriyè (de la commune de Bouyant).
  4. Je vire des sous tous les mois à la Cimade et au Gisti depuis des années. Mais je vais arrêter, étant donné la spectaculaire amélioration de la situation des migrants-grantes en France, comme ailleurs en Europe et dans le monde. (Toujours pas de voyage à gagner.)
  5. Boî-boîte dans laquelle les sous-sous avaient été déposés par les généreux-reuses donateurs-trices du wik-wik-inde.
  6. Le bled du Shanti Dam où le médecin m’a piqué pour mettre fin à mes souffrances.
  7. « Madou »
  8. Rappel : les bêtes et méchants talibans
  9. Chawakad-Allepey, Allepey-Chennai, Chennai-Shanti Dam, Shanti Dam-lune dequ poufmouf et lune dequ poufmouf-Thrissur
  10. Tiens, mon « Sadou » introduit juste après mon « Madou »…