Chapitre 24 – De la Thaïlande à la Guadeloupe

De Xavier Renard
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J’ai donc mis les voiles, en janvier 2001, pour une nouvelle Grature[1] en Thaïlande. Après que, deux mois plus tôt, trois ans de bons et loyaux services au sein de Terre des Hommes – ou des Mondes, des Femm’hommes, des Bêtes (vilin), comme on voudra –, avaient pris fin. Nirut et moi nous sommes installés, à Bangkok, dans un premier appartement. Mais un loyer pas du tout modéré, dont je me suis rapidement demandé comment j’allais continuer à l’honorer, et l’invitation du propriétaire des lieux à aller voir ailleurs si nous y étions, a eu pour résultat qu’au bout d’à peine deux mois nous avons déménagé. Nirut et ses amis, c’était un peu… la cage aux folles. Pour mon plus grand bonheur d’ailleurs, car ils, ou elles, des fois on ne sait pas trop, m’ont bien fait rigoler. À part ça les hommes efféminés c’est comme les voies sans débouchées ce n’est pas ma tatée. Comme amants je veux dire. Comme amis : le pied !! Nirut pouvait l’être quand il se prenait « au jeu » (il y a vraiment de cela, du théâtre même... du grand art !!), mais la plupart du temps ce n’était pas le cas. Nous n’avions vraiment pas été bien inspirés, en réalité, pour notre premier appartement. Très bien situé, mais dans un petit ensemble de logements où le propriétaire, lui-même, résidait. Ce dernier m’a convoqué un matin à son bureau afin de très diplomatiquement m’expliquer que le défilé des gens un peu… spéciaux qui nous rendaient visite troublait la quiétude du lieu : « Nous sommes comme une famille, vous comprenez ? Nous tenons à notre tranquillité ». Mais ça ne pouvait pas mieux tomber, car nous n’avons ainsi pas eu de préavis à donner, et j’ai immédiatement pu cesser de me ruiner en loyers. Appartement suivant : dans le même secteur, deux fois mon cher, dans une petite résidence très agréable et très conviviale, pour un loyer de l’ordre du quart de ce qu’il serait, pour l’équivalent, dans une ville comme Paris. À l’étage au-dessus du nôtre vivait un très sympathique couple de Français : un... Xavier et sa compagne... un prénom encore que je ne retrouverai pas. Jamais deux sans trois ! Xavier, en connaisseur des maladies digestives, m’a recommandé de suivre un jeûne. Je suis donc resté pour la deuxième fois de ma vie, sur ses conseils, une semaine… sans manger ! Dans un centre sur une plage de l’île de Koh Samui (« koh » [« khô »] signifie « île » en thaïlandais), à huit cents kilomètres au sud de Bangkok. Un autre paradis, mais où ce nouveau jeûne s’est avéré un Calvaire 2, en soi peut-être pire encore que le 1 : le cadre n’était-il pas, pourtant, autrement plaisant ? Certes, mais je n’ai rapidement plus été en état d’en apprécier quoi que ce soit. Sans plus de résultat, de surcroît, que tout ce que j’avais pu tenter jusque-là. C’est même plutôt le contraire et j’ai en réalité l’impression, à chaque fois, d’aggraver encore mon cas ! Satan, si tu crois que je suis dupe... Rose-Berthe, la femme de ménage de ma résidence en Gwadloup, m’a récemment mis en relation avec un Gwadloupéyen d’un centre de soins, avec qui j’ai assez longuement discuté au téléphone et notamment abordé la question de la religion, l’avisant que je n’en avais pas, justement, que je n’avais pas davantage d’église, etc. (je me demandais un peu vers quel type de personne Rose-Berthe pouvait bien m’aiguiller !...), et lui faisant part de ce sentiment d’être comme pris dans un combat entre Dieu et le Diable !... Il ne m’a eu l’air ni d’un dangereux évangéliste ni d’un illuminé, mais au contraire de quelqu’un de tout ce qu’il y a de plus sensé, versé dans la médecine, y compris conventionnelle (déplorant, justement, l’approche « sectaire » – même s’il n’a pas employé ce terme – de certains-taines ne jurant plus que par les médecines alternatives), et m’a répondu du tac au tac, quand j’ai employé ces mots d’un genre qui continue de me paraître, à moi-même, un peu... fous : « Bien sûr que c’est le diable, qui a inventé les maladies ! ». Je ne m’y attendais pas du tout. J’étais sans voix. C’était encore... La Voix. Bangkok appartement 2. Notre nouveau domicile se trouvait à deux pas de Silom Road, dans un des quartiers les plus animés de Bangkok, également attenant au red light district de Patpong. (Ce red light, juste après le Malin, qui s’est glissé baparita[2]...) Lors de la toutpie[3], à mon arrivée, d’une longue série de virées nocturnes dans une petite rue perpendiculaire à Silom Road, attablé avec Nirut et quelques-uns de ses amis à la terrasse d’un des bars qui s’y alignaient, des deux côtés, j’ai été pris d’un violent mal du pays ! J’étais comme soudainement redevenu un petit enfant perdu sans son papa et sa maman ! Je ne savais pas qu’un fragment de cordon ombilical était resté accroché ! Je n’en étais pourtant pas à mon coup d’essai ! Mais c’était cette fois, c’est vrai, pour ce nouveau GrayageErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu, sine die. Au bout d’environ une heure d’un profond malaise pendant laquelle je me suis vraiment demandé ce qui m’arrivait (pourquoi j’étais là, certes, mais surtout qu’est-ce qui me prenait d’angoisser comme ça ?!), ça s’est arrêté comme ça avait commencé. C’était terminé. Plus jamais de ma vie je n’ai de nouveau ressenti le moindre début de sensation de ce genre. Nous avons passé exactement un an, toute l’année 2001, dans la capitale thaïlandaise, que j’ai adorée, mais où je commençais à étouffer. Inhumaines mégapoles : à Paris, déjà, que je chéris pourtant tant aussi, j’ai pu résider quatre ans uniquement parce que je m’en échappais régulièrement, dans le cadre de mes missions pour Terre des Bêtes (les voilà : c’est Cécile et Olivier qu’avaient rebaptisé mon asso kon sa). Paris ? Un village, à côté ! J’ai investigué, à Bangkok, pendant quelques semaines, sur ce qui pourrait être, avec Nirut, notre prochaine destination. Elle m’a finalement été suggérée, au comptoir du Balcony, par un gérant étasunien de ce bar au bout de la ruelle de celui où, un an plus tôt, j’avais paniqué comme un bébé. J’avais rencontré mon informateur du Balcony, la première fois... sur le palier de notre premier appartement ! Il était venu visiter celui d’en face. Lui ayant expliqué que j’en cherchais un moins cher, il m’avait indiqué la résidence dont il était sur le point, lui, de déménager, et où Nirut et moi nous sommes alors installés ! Et c’est donc grâce à lui, de nouveau, que nous avons déterminé notre lieu de vie suivant ! Il m’a vanté les atouts de la province de Rayong, au sud de Bangkok, à mi-chemin à peu près entre la capitale et la frontière avec le Cambodge, parmi lesquels la proximité de la mer qui, depuis mon Euskal herri, a toujours fini par me rattraper ! Tout près, au large, se trouvait également la petite île de rêve de Koh Samet. Autre avantage : Rayong n’était qu’à deux heures de route de Bangkok. Et le 1er janvier 2002, en cuvant les liquides de la grande nuit festive qui venait de couler entre une année et l’autre, Nirut et moi avons terminé nos cartons. Une nuit de plus, de repos celle-là, et nous avons levé les amarres, avec quelques affaires sur le dos, vers ce nouveau cap dont nous n’avons fini par nous forger une idée précise qu’une fois parvenus aux guichets du terminal de bus, où le regard de Nirut est tombé sur le panneau qui indiquait « Ban Phe »Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu, dans la province de Rayong. « Tu veux aller à Ban Phe ? », m’a-t-il demandé. Il m’a expliqué que c’était un petit village de pêcheurs d’où partaient les ferrys pour l’île de Koh Samet. Alors Ban Phe : adjugé !! Air sain et vue sur l’horizon, le décor était comme une peinture aux couleurs vives et chatoyantes, et quand l’envie nous en prenait, nous plongions dans le bleu du ciel et de la mer, depuis l’embarcadère où attendaient les bateaux. Nous respirions. Il faisait bon. Nous nous prélassions sur le sable blanc si fin qu’il couinait sous les pieds, aux terrasses, et sous les pins et les palétuviers. C’est mon rotoluErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu du plus petit bled dans lequel j’ai habité. C’était la formule idéale. Il avait tout ce que j’aimais : la mer, un cadre idyllique, la tranquillité, mais avec l’animation des touristes qui y transitaient pour l’île de Koh Samet, le mélange des Thaïs-Thaïes et des étrangers-gères, et la proximité de la capitale du sexe, Pattaya, à trois quarts d’heure de là. Ha ! Ha ! Ha ! On pouvait la trouver rebutante, pour ce qu’elle représentait effectivement[4], pour les tonnes de touristes qui y grouillaient, et les vieux Occidentaux aux bras de jeunes Thaïlandaises... Le pire n’était d’ailleurs pas dans ce que l’on voyait, les abus les plus répréhensibles n’ayant évidemment pas lieu au grand jour. Mais j’aimais cette ville, pour son animation, les plages qui la bordaient, ainsi qu’une certaine magie et douceur qui, comme partout ailleurs dans ce pays, emplissaient l’atmosphère. Je n’avais pas de voiture et prenais systématiquement les transports en commun, ce que j’ai particulièrement apprécié, en Thaïlande comme ailleurs, pour l’ambiance qui y régnait, les rencontres dont ils pouvaient être l’occasion, sur de plus ou moins longs trajets, à travers les villes et les paysages traversés. Le train-couchettes : une merveille, tellement agréable, confortable et pas cher… Mais le trajet le plus drôle et rocambolesque a eu lieu avec Nirut et ma toutpie GagaditutueErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu XixiliErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu, entre Bangkok et Pukhet, à plus de huit cents kilomètres vers le sud, à un prix plus dérisoire encore, car à bord d’un wagon de troisième classe, la plus rudimentaire. Nous avons sympathisé avec un groupe de jeunes Thaïs-Thaïes, bien bu, bien rigolé... À la descente du train, quand nous les avons laissés-sées, je leur ai adressé un « Bye, bye ! » – groggy car épuisé après avoir voyagé toute la nuit sur des sièges et non dans les lits de la première classe –, dont Xixili s’est beaucoup amusée. Nous riions, quand nous nous le remémorions, comme du sketch « The boat is going!! »[5] , où Nirut s’affole, dans l’eau, avec son masque et son tuba sur la tête, croyant voir notre bateau stationné non loin commencer à repartir sans nous. J’ai donné des cours d’anglais dans un institut privé de Rayong, le nom de la province dans laquelle Ban Phe se situait, mais également de son chef-lieu, à une demi-heure en songthaew, cette sorte de pickup réaménagé complété de banquettes latérales et d’un toit, à l’arrière, pour transporter les passagers-gères, utilisé en Thaïlande et au Laos. J’ai passé quelques jours à Vientiane, la capitale de ce pays : c’est une Thaïlande en plus doux et paisible encore, et plus authentique, en raison d’un bien moindre degré de développement et d’occidentalisation. Très pratique pour communiquer avec ses habitants-tantes, encore plus aimables et accueillants-yante qu’en Thaïlande, ça n’est pas peu dire : le lao est très proche du thaï, dont je maîtrisais le registre basique relativement bien. Mais retour à Rayong : je n’avais bien entendu pas manqué de relever la coïncidence orthographique entre ce nom et « Bayonne », en particulier si l’on mixait ses lettres avec celles de Ban Phe. À condition donc cependant de considérer la version française – homarErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu – du nom de la cité basque. Je me fendais toujours d’une vanne irrésistible avec les élèves de mes cours d’anglais, et alors attention la voilà : « Je viens de Bayonne, pas de Rayong ! ». Mais il fallait l’entendre pour vraiment l’apprécier et vivre l’extase d’un rire comme celui qu’elle ne manquait jamais de provoquer. Car je modulais la prononciation de sorte que les deux phonèmes se confondent véritablement. À Bayong... euh... Bayonne, je ne suis retourné pour la première fois qu’au bout d’un an et demi passé entre Bangkok et Ban Phe[6]. C’est mon rotolu du séjour le plus long sans rentrer « au Pays ». Je suis reparti un an en Thaïlande et suis de nouveau « rentré ». Je suis re-reparti en Thaïlande... Eh non. C’était prévu mais c’est là qu’a surgi le Manno, dont je suis tombé raide-dingue amoureux. C’était le 18 septembre 2003 à Paris, au sortir de la canicule. Dans le feu du soleil et du coup de foudre, entre le Haïtien et le Basque, un amour chaud-bouillant est né. Notre histoire a commencé par une fabuleuse romance, dans la Ville Lumière, à courir les hôtels et arpenter les rues, en un mois de septembre encore plus clément qu’à l’accoutumée, car aussi ensoleillé que l’été qui avait précédé, mais avec en moins les quelques degrés de trop qui avaient été fatals à nombre de personnes âgées. Je l’avais déclaré, à la plage des Dunes, à Angelu, à mes lagunakErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu ((Je ne l’ai pas déclaré à « Anguélou » mon Ange Gardien : « Tous les vieux sont en train de claquer ! ». Je n’ai même pas dit « doivent être en train... », mais bien « sont en train » : ce que la vue de ma propre mère, qui suffoquait, m’avait inspirée, avant même la communication des premiers chiffres de l’hécatombe dans les médias. Manno suivait la formation qui devait le mener à la réalisation de son rêve de devenir steward, de travailler dans ces avions pour lesquels sa fascination était née à les regarder décoller et atterrir à l’aéroport de Juliana, sur l’île de Saint-Martin où il avait grandi, après avoir quitté, tout petit, Haïti où il était né. Les gros porteurs approchant la piste d’atterrissage en rasant la plage située au bout de celle-ci, après le grillage et la route, en bout de piste, constituent l’incontournable et spectaculaire attraction de l’île. Envoûté par Manno, je suis resté à Paris. Je suis devenu dingo. Je n’en revenais pas moi-même de mon état. J’ai logé chez Joseta, jusqu’à ce que cet homme à la conquête duquel je me suis alors lancé, à corps perdu, en attendant qu’il m’ouvrît entièrement son cœur, le fît enfin au moins de la porte de l’appartement qu’il sous-louait, à Montreuil. Manno, une fois son Certificat de formation à la sécurité aérienne en poche, est reparti à Saint-Martin, où je l’ai rejoint un peu plus tard, et où nous avons vécu un an et demi, mais chacun de notre côté. Moi dans un des studios de l’hôtel Mont Vernon vendus à des particuliers et loués à l’année, et lui tout près de chez Serge, son papa... de cœur. Puis Manno a décroché son premier job de steward ! Chez… Ryan Air. La compagnie du moins-disant social. Mais à laquelle Manno est reconnaissant de lui avoir fourni sa première opportunité de travail ! Il a par ailleurs apprécié des méthodes de travail et de management, à l’anglo-saxonne, à bien des égards souvent plus efficaces et intelligentes que celles des entreprises françaises. Le pour et le contre : je suis comme lui, à ne pas supporter... la médiocrité, dans le travail et la gestion d’entreprise et des relations avec et entre les personnes comme ailleurs ; mais sur le plan du droit du travail, ce genre de société, c’est l’ennemi incarné ! Les États, et l’Europe, où la démocratie et les droits économiques et sociaux revêtent tout de même une certaine réalité, s’emploient heureusement à lui mettre quelques bâtons dans les hélices. Nous avons alors passé un peu moins d’un an à Paris, dans notre « glacière », notre appartement sous les toits vétuste et mal isolé que nous surnommions ainsi tant il était difficile à chauffer, en un hiver particulièrement rigoureux et long cette année-là ! Que les Îliens de la capitale ont souffert ! CrucuErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu d’Akel, un ami haïtien de Manno de passage chez nous un après-midi : « Le froid, c’est dégueulasse ! ». Il fallait l’entendre, avec son accent haïtien ! Expression que j’ai faite mienne et que je ne cesse de clamer depuis, accent à l’appui ! Car elle dit si bien ce phénomène avec lequel j’ai moi-même tant de mal, au point d’avoir résidé toute ma vie sous les tropiques ! En reparlant d’Akel un jour, des années plus tard, dont je disais à Manno que je l’avais trouvé sympa le gars, Manno s’est exclamé : « Il cuisine bien en plus ! ». Parole de connaisseur ! Et de pro. C’est l’autre métier de Manno qui a passé, en Gwadloup, un BTS d’hôtellerie et restauration. Et pas le moindre de ses talents, avec celui de masseur ! Manno, à Paris, de retour de ses vols en Europe qu’il prenait depuis l’aéroport de Beauvais, revenait me rejoindre dans notre perchoir du quatrième étage d’en haut de la butte de Montmartre, au 24 rue Paul Albert, à l’angle avec le passage du Chevalier-de-la-Barre, avec vue sur un bout du Sacré-Cœur et son campanile, sa jolie tour carrée. Nous roucoulions donc dans notre nid, douillet bien que froid, tout en haut dudit passage sur lequel donnaient, à l’autre bout, tout en bas, les fenêtres de mon appartement de la rue Ramey que je louais. Glagla ces températures, à Paris, après Saint-Martin, mais qu’il était bon de se blottir, sous la couette, contre sa moitié !! Souvenirs, souvenirs... Chaud-froid… À propos des sagittaires, le signe de Manno, Josette ma sorcière bien aimée s’est exclamée quand je lui ai dit la date d’anniversaire de Manno : « Ouf ! Ils aiment souffler le chaud et le froid… ». J’ai été frappé par la manière dont elle m’a dit ça. J’ai senti qu’elle avait senti… ce dont je dirais que ça ne s’est pas avéré totalement faux !… Au début, surtout ! Mais le Xabi lui est tombé dessus à un moment où la perspective de s’investir dans une relation de couple ne pouvait être plus éloignée de ce qui constituait sa seule et unique préoccupation du moment[7] : réaliser son ambition professionnelle ! J’ai commencé par apprendre que je venais de tomber amoureux... d’un Franco !! C’était le prénom de son frère, sa réticence lui dictant de ne pas me révéler le sien. Pour ce qui était, en plus, de rencontrer mes lagunak, quand nous avons tout de même un de l’aile et le campanile peu commencé à fricoter, c’était, au début, hors de question. Une nouvelle relation mystère a donc débuté, mais cette fois bien malgré moi ! Sukho Thai : un restaurant thaïlandais à deux pas de mon appartement de la rue Ramey où, quand Nirut était chez moi, à Paris, nous avons passé quelques froutes soirées et nous sommes autant de fois régalés, avec mes amis-mies. Peu après que j’ai rencontré Manno, un jour où j’étais attablé, avec un échantillon de celleux-ci, à cette même adresse que nous avions continué de fréquenter, Okis a demandé à ma Yoyette de passage à Paris qui en faisait partie : « Alors, comment tu trouves Xabi ? ». « Musclé ! », a-t-elle répondu. « Ah, ça, c’est le sport en chambre ! », me suis-je expliqué rieur. Mes petits biceps et pecs avaient surtout un peu gonflé sous l’effet des pompes dans la pratique desquelles mon ex-champion d’athlétisme de la Caraïbe, dans son appartement de Montreuil, s’était attaché à me lancer. Mais le Franco, pas moyen de leur en faire voir la couleur. Je ne demandais que ça mais... existait-il vraiment quelqu’un derrière cet impossible prénom[8] ? C’est la blague qui a commencé à courir. Mon bien réel et beau jeune homme, si jeune justement, de... 11 ans de moins que moi, avait vraiment d’autres chats à fouetter. Son graal : un poste de PNC[9] à Air Caraïbes. Et en Gwadloup ! Ouiiiii !!! Moi aussi je veux la Gwadlooouuup !!! Pas Paris !!! Il y avait déjà un pied. Où ? En Gwadloup ? Pas qu’un, depuis longtemps, après être né en Haïti et avoir grandi à Saint-Martin. À Paris ? Pas pour longtemps. Non, à Air Caraïbes : il y avait accompli le stage requis par sa formation. Et, pour moi, quel incroyable paquet-cadeau du ciel : le bonhomme et le monde d’où il venait. Le rêve a commencé à grandir en moi d’aller vivre en Gwadloup avec lui, quand il serait steward, ce dont je n’ai jamais douté. « Tu seras steward ! », lui ai-je déclaré dès le début, quand ses difficultés à empocher son certificat l’emplissaient d’angoisse et de doutes, et alors que je l’ai tant aidé à bûcher ses cours ! Mais, un jour, nous avons tous les deux baissé les bras. Fatigué de ses... chaud-froid, j’ai pris acte de la décision qu’il m’a annoncé avoir prise d’abandonner et de repartir à Saint-Martin. Le plus calmement du monde, décidant, à la seconde, d’abdiquer, je lui ai dit que je comprenais, que c’était dommage mais que s’il devait en être ainsi... Froid-chaud : et alors la température est remontée d’un coup. J’avais appuyé sur je ne sais quel bouton, sans le savoir et sans le vouloir, car ça ti pa culéErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu, en prononçant ces mots, et sur le ton que j’avais employé, et il est alors passé de colère-et-désespoir à joie-et-bonne-humeur. Mais dans ce Garage[10] de sa vie, dont l’issue allait conditionner le reste de son existence, il n’était pas totalement incompréhensible que ce fût, émotionnellement, pour le jeune homme, un peu le Grand-Huit ! Et le principal n’était-il pas que notre tour à tous les deux, dans l’étincelant carrousel de l’amour, pût repartir de plus belle ? De la session suivante de son examen il est enfin ressorti vainqueur. Bravo champion !!! Il avait des étoiles dans les yeux, le jour où il m’a montré la Gwadloup... sur une carte, dans notre appartement de Montreuil. Le rêve, pour moi, d’aller m’y installer avec lui, mais pour lui aussi d’y repartir, ce qui dépendait donc de son travail, et de son affectation, allait bientôt devenir réalité. Je m’en réjouissais... tout en me préparant « au pire » ! « Les Guadeloupéens sont racistes », avais-je maintes fois entendu. Mais j’ai tout de suite compris qui l’était, des Français-çaises qui le clamaient et des gens de ce pays qui ne supportaient tout simplement pas qu’on les prenne de haut. J’aime, chez les Gwadloupéyen-yèn, que j’ai coutume de surnommer les « Basques des Antilles », une fierté qui force le respect, et leur attachement à leur identité. Notre vie à deux, en Gwadloup, dans notre premier appartement de la résidence Porte des Caraïbes, a pu commencer après que Manno a enfin décroché, chez Air Caraïbes, le poste tant convoité. Résidence où Manno a brillamment déniché un premier appartement, impeccablement située. Un emplacement idéal pour sillonner l’île, en son exact milieu, près de la jonction entre les deux ailes du « Papillon », dans le quartier de Bas du Fort de la ville de Gozyé limitrophe de Lapwent, à proximité de l’aéroport de Bémao, condition indispensable pour Manno, et face à la mer bien vu... euh... entendu ! Les conditions étaient réunies pour que nous commençassions véritablement notre vie à deux, sous un même toit. C’était exclu, pour Manno, tant qu’il n’était pas en mesure d’en assurer les charges à égalité. Alors que je n’attendais bisûErreur de référence : Balise <ref> incorrecte : les références sans nom doivent avoir un contenu que cela, depuis le début, quelle que fût sa condition matérielle ! C’était bien grâce à lui en tout cas que nous avions pu vivre ensemble, au début de notre relation, dans l’appartement de Montreuil qu’il sous-louait à Aurel, un ami Haïtien. Nous avions également passé quelques jours chez Jimmy, d’Haïti aussi, que nous avons par la suite revu en Gwadloup. Le jour où j’ai rencontré Manno je logeais chez mon amie Isabelle, Quai de Valmy, dans le Xème arrondissement. J’ai également séjourné quelques temps chez Josette. Au bout de quelques jours, j’ai ramené Manno chez elle... N’était-ce que pour manger. On était tellement fauchés tous les deux ! Jojo était au boulot. On s’est fait des pâtes. Puis Manno m’a proposé de me masser. Nous avons déployé un fauteuil-matelas en mousse du salon de Joseta. Je me suis un tout petit peu dévêtu – Manno n’en avait aucunement l’intention, dans cet appartement d’une inconnue –, enlevant mon tee-shirt mais gardant mon bermuda, pour un massage qui n’était pas destiné à déboucher sur beaucoup plus que cela. Et là, Zorro... euh... Jojo est arrivée. Plus tôt que prévu. Jojo : « Xabi, t’es là ? Ooooohhhh !... et qui est ce jeune homme ? Qu’il est beau !... Je vois que vous êtes occupés, je ne vais pas m’incruster tout de même, mais faites, faites, ne vous dérangez pas pour moi ! Je vais juste un peu aller dans la cuisine [son coin cuisine adjacent au salon] pour commencer à faire cuire mes poireaux, pour ma soupe, mais je ne regarde pas !... ». Bon, ça ne s’est pas exactement passé comme ça, pas du tout comme ça même, et Josette est entrée dans une colère de tous les diables avec, au milieu de sa logorrhée, dans l’un de ses allers et retours frénétiques entre le couloir et le salon, le salon et sa chambre, sa chambre et le salon, cette interjection restée dans les annales : « Tout sauf ça !! ». Manno était planté là, la regardant, sans broncher. Je n’en menais pas large. J’ai bredouillé quelques mots, et nous sommes ressortis, sans demander notre reste. Josette, le lendemain, m’a reproché d’avoir violé son intimité, ajoutant : « C’est petit, ici ». Elle m’a demandé : « Tu me comprends ? ». « Bien sûr, que je te comprends », l’ai-je rassurée, avant de lui présenter mes plus plates excuses. Pauvre Josette, voilà la rencontre que je lui ai fait vivre avec ce garçon devenu, depuis, son Manu-Manno adoré de ses choux fleurs ! J’ai donc passé, avant chez Joseta, quelques temps chez Isa et Benoît, quai de Valma... euh... de Valmy, où ils habitaient avec Paul et Lucien, leurs deux petits jumeaux. Je sortais de chez elleux, le 18 septembre 2003, ce fameux jour où, dans les jardins des Tuileries, cet homme descendu du ciel est tombé dans mon escarcelle. Christine, la plus jeune sœur d’Ama, et Paul son mari, qui habitent Vauvert dans le département du Gard, après avoir longtemps vécu à Mâcon, nous ont également très gentiment prêté leur appartement près du métro Alexandre Dumas. Christine me l’a spontanément proposé, quand elle a su que j’étais à Paris. Car l’appartement, qui n’était qu’occasionnellement occupé par Christine et Paul et par Stéphane, David et Alexandre, leurs trois enfants, était vide à ce moment-là. Ma situation, lorsque j’ai rencontré un Manno à la peine en plein combat pour le décrochage de son certificat, alors que mes droits à la sécurité sociale étaient sur le point d’expirer, après deux ans et demi passés à l’étranger sans aucun statut officiel, tant du point de vue de mon lieu de résidence que de ma profession, n’était pas des plus glorieuses non plus ! Et, surprise, à ma première tentative de retrait d’espèces à un guichet automatique à mon retour de Thaïlande : impossible d’obtenir mes billets, mon compte était bloqué ! Des montants m’avaient précédemment été reversés par erreur par les impôts, qui en exigeaient le remboursement. J’étais assez confiant dans mes chances de redresser la situation, avec mon travail de traducteur et formateur en langues étrangères. Mais je n’ai pas plié l’affaire de l’officialisation de mon statut professionnel en trois jours ! Je n’avais aucune idée de la démarche à suivre et du régime auquel prétendre. Une fonctionnaire du ministère du travail m’a déclaré, à propos des agences de traduction auprès desquelles j’avais lancé mes mailings et qui, déjà, commençaient à me fournir du travail, qu’elles n’avaient pas le droit de solliciter les services de traducteurs indépendants. « On leur dit depuis longtemps qu’elles sont tenues de vous salarier », a déclaré cette dame dont l’expression, si ce n’est le visage, et le ton employé, sont restés gravés dans ma mémoire tant sa réponse m’a paru surréaliste, et à des années-lumière de ce que je concevais d’entendre. Le métier de traducteur free-lance, en des temps où Internet n’était pas encore une histoire si ancienne que cela, en était, en réalité, à ses balbutiements. Je ne suis parvenu à obtenir les informations nécessaires que plusieurs mois plus tard, à Saint-Martin ! Où j’ai procédé à mon enregistrement auprès de la chambre de commerce et d’industrie. Mais le flou qui entourait encore le statut de la profession m’a en réalité permis de me constituer une nouvelle clientèle avant même d’avoir régularisé ma situation. Les agences de traduction ne réclamaient pas encore les justificatifs d’immatriculation sans lesquels aucun-cune traducteur-trice ne peut aujourd’hui plus espérer se voir intégrer dans leurs bases de prestataires. J’étais, d’une certaine manière, en avance sur mon temps ! Et mon interlocutrice des services de l’État un peu en retard… L’évolution des pratiques lui a finalement donné tort, mais elle obéissait à une certaine logique... d’anti-précarité ! La France, en cela, a compté parmi les modèles d’un capitalisme dit « rhénan » ou d’« économie sociale de marché », à l’opposé du capitalisme anglo-saxon ou… sauvage ! Le premier n’a cessé de péricliter, tandis que le deuxième faisait florès, partout dans le monde, avec la libéralisation et la financiarisation des échanges et des capitaux initiée, dans les années quatre-vingt, par l’infernal duo Reagan-Thatcher. Le revers de la médaille d’un État protecteur des travailleurs-yeuses peut être une certaine rigidité. Mais rien ne s’opposait alors en réalité à ce que les traducteurs-trices comme moi se constituassent en entreprise, pour officier en tant que prestataires des agences de traduction ou de toute autre société ou organisation désireuse de solliciter leurs services. Attente interminable, sur la place de la mairie de Montreuil, de mon prince des îles : je me livrais sans le savoir à cet autre test consistant à éprouver la patience et la motivation du prétendant. Côté pêche aux clients, avec force mailings, qui allaient finir par m’en procurer en nombre, le premier, à cet instant, a mordu, m’appelant sur le téléphone portable que je m’étais empressé d’acheter le lendemain de la capture de mon gros poisson. Celui-ci n’avait cependant pas fini de gigoter entre mes doigts, avant que je ne me le misse pour de bon sous la dent. Je n’avais jamais eu de téléphone portable, et pensais jusqu’à ce jour, où il est soudainement devenu indispensable pour joindre le nouvel élu de mon cœur, que je n’en aurais jamais besoin ! Tout comme j’imaginais encore une dizaine d’années plus tôt, jusqu’aux CV que j’ai dû me mettre à taper sur un ordinateur, à la fac de Strasbourg, que cet autre appareil honni ne viendrait pas davantage polluer ma vie. Éternel paradoxe que ce travail sur ordinateur et Internet devenu le mien ! Et je n’avais pas fini d’en bouffer, de l’ordi !! Je me suis mis à travailler comme un dératé, dans mon toutni sweet home avec Manno, à Montreuil, pour bâtir mon premier portefeuille de clients. Que je renouvelle, tous les trois ou quatre ans en moyenne, par des mailings. Au moins ma petite entreprise était-elle sans risque et sans frais car, justement, un ordinateur et une connexion Internet étaient tout ce dont j’avais besoin ! Pendant toute l’année suivante, d’abord à Baiona chez Ama puis à Saint-Martin quand j’y ai rejoint Manno, les un an et demi que nous y sommes restés et les premiers mois en Gwadloup, je n’ai plus été qu’une machine à traduire. À tel point que je n’ai découvert mon ajapata[11], en contrebas de notre nouvelle résidence, Porte des Caraïbes, qu’un mois après que nous y avons emménagé ! Et dont j’ai toujours été, depuis, et de loin, celui de la résidence qui en profite le plus ! Un fabuleux emplacement, à part un très, très léger bémol, les courts de tennis en face de la résidence, quand des joueurs particulièrement pénibles se mettent à « gueuler comme des veaux ». C’est l’expression que j’ai utilisé un jour quand je suis allé demander à un groupe de jeunes, avec le sourire tout de même, de la mettre un peu en sourdine. À quoi l’un d’eux m’a rétorqué : « Des veaux ? C’est peut-être un peu insultant, non ? ». Ah, bon, pardon. Mais ils ont baissé d’un ton. Un des derniers joueurs particulièrement sonores en date, le plus pénible de tous en réalité à ce jour, à la voix criarde insUUUpportable, s’est calmé avant que je n’intervinsse, un-une riverain-raine s’en étant de toute évidence chargé-gée à ma place. Face aux terrains, l’immeuble à un étage qui longe la route, le moins agréable étant donné son emplacement, privé de vue sur mer – et à l’extrémité duquel, quasiment au niveau de mon appartement, le voipapa à la voiture-échelle réside –, comptait, il y a un certain temps, un occupant qui émettait un son strident dont je me suis longtemps demandé ce que c’était : il s’agissait du cri d’un perroquet, manifestement incapable de prononcer quelque mot que ce fût. « C’est nul un perroquet qui ne parle pas ! », me suis-je dit, acabatata, un jour où l’animal était en train de piailler. « C’est nul un perroquet qui ne parle pas ! », a immédiatement répété après moi non pas le perroquet – premièrement parce qu’il ne pouvait pas m’avoir entendu penser, deuxièmement parce que même s’il avait eu ce don il ne possédait donc pas celui de la parole –, mais un joueur sur le court. Le type qui dit, la seconde d’après, la phrase que j’ai pensée dans la tête à propos d’un perroquet : c’est une synchro wahoumour (wahou-humour). Avant la Gwadloup, à Saint-Martin, le logiciel de traduction sur pattes que j’étais devenu a tout de même bien profité de la piscine de son hôtel et de la plage, dans des séances (quasi) quotidiennes de natation et de footing. Mais j’ai alors découvert ce phénomène de l’étiquette que l’on se voit arroger et dont il est ensuite impossible de se débarrasser : celle, me concernant, d’accroc au travail, qui « ne décroche jamais », jamais disponible, pourtant rapidement devenue injustifiée. Plus enviable, certes, que celle de fainéant ou de tire-au-flanc. Je suis très travailleur, c’est vrai, et très fier de l’être. Et je peux encore, par périodes, me transformer en robot-traducteur. Pour rattraper… de trop longues vacances ! Usine : je prends mes vacances comme elles viennent. Quand l’on ne me confie pas de travail, ou en période de faible activité. Même si, au besoin, bien entendu, je peux de moi-même décider de me mettre en congés. Parfois, en revanche, c’est vrai, ça peut être un peu le bagne. Mais justement, laissons aux ultra-riches à qui tout est toujours servi surpatadag cette misérable condition. Viagra ecnos[12], certainement, et je ne suis pas plus juge d’elleux que de qui que ce soit d’autre. « Je n’instruis pas en première instance, ça n’est pas mon métier » (entendu sur mon PC-télé). J’émets juste un avis, qui ne vaut peut-être rien et c’est tant mieux. C’est le cas pour tout ce que je peux avancer, sur qui et quoi que ce soit, ici et ailleurs. C’est le cas pour tout ce que quiconque peut avancer, sur qui et quoi que ce soit, ici... non, je ne suis peut-être pas tout seul dans ma tête, mais... ailleurs en tout cas. Toujours est-il que j’aspire personnellement à mieux dans la vie que de me noyer dans le travail, dans une fuite en avant de soi-même et des autres, au risque de passer à côté de tout ce que l’existence peut avoir d’autre à offrir. L’aliénation au travail n’ayant toutefois pour beaucoup pas grand-chose d’un choix délibéré ! Dans le registre des conditions de travail, alors qu’un matin je fumais une cigarette, à la fenêtre de la chambre du fond d’Arrantz adjacente à celle d’Ama, j’observais la factrice sur son vélo, à quelques mètres en contrebas, en train de déposer le courrier dans les boîtes à tabac... euh... à lettres. Je me suis livré à quelques pensées sur les bienfaits, pour la santé, de l’aspect pédalage de son activité, mais aussi sur la dégradation des conditions de travail à La Poste, puis suis retourné travailler dans ma chambre. Coup d’œil dans la rubrique « programmes » du site de France inter suminu : une émission intitulée « La poste, le profit au pied de la lettre » ! Clic dessus puis au bout de quelques minutes ces propos : « Nous avons rendez-vous avec une factrice, qui ne fait pas que distribuer le courrier »[13]. Et puis ça ne s’est plus arrêté, dans la bouche[14] des personnes interviewées : ma factrice ceci, ma factrice cela... Le journaliste à la fin : « Madame la factrice, j’ai envie de vous dire bonne tournée ». Cette note finale, également, du chant des éternels insatisfaits-faites : « La Poste est en train de tuer le métier de facteur et aussi, à petit feu, le facteur ». Un facteur encore, dans ma résidence en Gwadloup cette fois : je sors en espérant qu’il ne passerait pas, en mon absence, car j’attendais un recommandé. Et voilà-t-y pas qu’il surgit, sur son scooter, manquant de me percuter, à l’instant où je franchis la grille d’entrée, qui reste ouverte le matin. J’ai fait demi-tour et suis allé le trouver : il avait mon recommandé. Nous avons entrepris, Manno épi mwen, côté loisirs et vie sociale, d’accorder nos violons. J’ai pris mon parti de laisser mon doudou la gérer. Il considérait qu’il risquait de ne plus rester beaucoup de place pour le couple si chacun se mettait, de son côté, à tisser son réseau de relations. Il n’a pas forcément tort... Pas forcément raison... Mais point de bonne ou de mauvaise recette, pour le couple. Point de recette pour rien. Chacun-cune sa tambouille. Il me proposait celle-là... Ça m’a fait un peu bizarre sur le coup... Mais comme animal il y a également en moi un caméléon. « Tu t’adaptes à tout, toi ! », m’a dit un jour Joseta au téléphone, me sentant comme un poisson dans l’eau, comme toujours, quand je me trouvais à Châtel Guyon, dans le Massif central, pour une... cure (original, non ?), avec presque mes habitudes déjà et mes quelques amis-mies comme si j’y avais toujours vécu... Quant à la formule du chef Manno, comme j’aime bien me laisser porter, des fois, ma foi pourquoi pas ? Et c’était très bien comme ça, car nous avons rencontré plein de gens ensemble, partout où nous avons vécu et séjourné, y compris à Paris où ses connaissances d’îliens des Caraïbes ne manquaient pas, ainsi que dans toutes nos sorties en Gwadloup et tous nos voyages, jusque dans les bateaux de croisière... Dans ces derniers je n’aurais jamais mis les pieds si mon chéri ne m’y avait entraîné. Dans notre premier paquebot, en partance pour une croisière depuis le port de Lapwent, une fois à bord, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là, et je serais redescendu aussi vite que j’étais monté si j’avais pu. Mais ça s’est avéré une fabuleuse expérience, avec, là encore, et plus que jamais peut-être en si peu de temps, dans cet espace... confiné, plein de rencontres, avec les passagers-gères, mais aussi la multitude de membres de l’équipage de tant de nationalités différentes ! Ne serait-ce que ça, question cosmopolitisme, ce fut un roti. Et pour ce qui était de se laisser voguer, j’étais servi. Quant à cette sensation de flotter, sur ce gigantesque vaisseau, au milieu de l’océan, l’à peine perceptible tangage : indescriptible... Mais la réalité n’en demeurait pas moins, pour le personnel du navire, celle de conditions de travail indignes. Des employés philippins – les Philippins, marins devant l’Éternel : ils doivent être la plus grande diaspora sur l’eau du monde ! –, avec qui j’ai discuté lors d’une escale sur un îlet, n’ont pas hésité à parler de « mafia » pour qualifier le milieu de leurs employeurs. Une autre des plages sur lesquelles nous avons accosté, en Haïti... était interdite d’accès à la population locale.[15]

  1. Grande Aventure
  2. Bien après que j’ai écrit ça
  3. Toute première
  4. Sucem norabmodem baduf* : 231 666 (*Sur ce mot mon regard est tombé sur ce nombre de mots/ces statistiques en bas du fichier)
  5. Le bateau s’en va !!
  6. Joli « Ba-Ba » aussi. « C’est à Ba-ba, c’est à yo-yo, c’est à Ba-ba, c’est à Bayonne, qu’on se bi-bi, qu’on se do-do, qu’on se bi-bi, qu’on se bido-onne ! », dit la chanson. Avec Yoyo et Bibi dedans. Quant à « ban » (« bann ») en thaïlandais ça signifie « maison ». Pas étonnant donc que ça me suive aussi, comme la mer !…
  7. Sucem morabnodem baduf : 228 464. La priorité n’était pas de tomber dans les bras du 64 de service. Nobapa 199 tout de même quand je l’ai écrite : signe s’il en était, comme me l’a en tutu$$$ confirmé l’avenir, que ça n’était tout de même pas si mal engagé !
  8. Page... 164 ! Sur... 399 ! Douter ? Grand Dieu ! Aucune raison, les chiffres sont formels, et ils insistent en plus ! Vraiment, c’était en bonne voie ! Encore un peu de patience et l’invisible moitié du Pyrénéen atlantique apparaîtrait au grand jour !
  9. Personnel navigant commercial
  10. Grand Virage
  11. Annexe jardin-plage-terrasse d’hôtel
  12. Encore une fois
  13. T3-steuplé (Teu, teu, teu, les esprits mal placés...) [Composé d’un « eu » pas placé au bon endroit, pour le « steu », mais il y en avait trois, alors je me suis dit – eh, oh ! – que je pouvais bien en déplacer un.]
  14. T3-steuplé
  15. Statistiques sur ce mot lors d’un repassage : page 183 sur 444, 252 333 mots. Je venais de recoller un morceau de plusieurs pages que j’avais momentanément extrait du fichier, en attendant de le replacer à l’endroit adéquat : le thème en est... voir ce qui suit. Les 444 et 333 ci-dessus ? Le 333 : un triple chira. Bien. Et le 444 ?... Ah mais ça y est j’y suis, ces deux séries de chiffres ainsi rassemblés par les énergies de l’Univers, c’est pour mon Manno et moi ! Pour nos quatrième et troisième décennies respectives en cours !