Chapitre 12 – Décollage professionnel : une grève de la faim et...
Études et voyages, pour les études ou pas, et des études pour quoi ?
Je ne sais combien de métiers j’ai envisagé... Prof : comme mes parents[1]. Bof. Le travail en lui-même m’aurait à n’en pas douter passionné. Mais les études pour cela, dépourvues de matières comme l’économie, la sociologie, la géopolitique, le droit, me privaient d’un apprentissage sur tant de réalités du vaste Monde... Quant au cursus de l’institut de traduction où je me suis alors inscrit, il prévoyait que le premier trimestre de la deuxième année se déroulât à l’étranger. J’ai opté pour une faculté de Cologne. Outre la beauté de la vielle ville et de sa somptueuse cathédrale, ces trois mois se sont avérés une autre froute[2] aventure, pleine de froutes rencontres, tant à la fac qu’au sein de ma résidence universitaire. J’ai encore manqué mon dépucelage avec un homme, non à la cité-U mais chez un copain de la fac, homo c’était évident : encore un lit dans lequel il ne s’est rien passé. Que n’a-t-il pas lui non plus été plus entreprenant ? L’heure n’était pas encore venue. Tant pis, j’ai joui des discothèques gratuites, où les consos étaient aux mêmes prix que dans les bars. Merci l’Allemagne pour cela, pays pas toujours des plus fun, mais à bien des égards moins sélect et élitiste que la France. Sublime instant de ce trimestre colonais par ailleurs, à la Chambre philharmonique de Cologne : un concert de Brandford Marsalis, le petit frère de Winton (que je viens de « laisser » à New York) !
Pour ma cinquième et dernière année d’études, en 1992-1993, j’ai pris la direction, en France, du grand Nord : Strasbourg, ses cigognes et ses moins quinze degrés l’hiver, qui n’a cependant heureusement été ni trop rigoureux ni très long cette année-là. Mais usine[3] : je préfère un moins vingt sec qu’un trois humide ! À la Euskal herri[4] ! De la première année à Toulouse à la dernière à Strasbourg, le travail est allé crescendo, de particulièrement laxai[5] à extrêmement intense. Mais les sorties et soirées, dans la capitale alsacienne, se sont avérées aussi peu fréquentes que fameuses. À l’institut de Relations internationales de l’université des Sciences humaines de Strasbourg, qui a donc été celui de ma cinquième et dernière année d’études, la classe de ma promo d’une trentaine d’élèves comptait... un seul autre mec, Thierry. Mais je me suis si bien entendu avec mes camarades féminines que l’une d’elle m’a même qualifié de... « gueule d’amour » ! C’est dire ! Dans un lit pourtant, j’ai (encore) omis de passer à l’acte, avec Mychèle ma belle, à l’issue d’un dîner chez elle. Après qu’elle m’a parlé d’une relation amoureuse dont elle sortait avec difficulté (elles font toutes le coup ?), elle m’a proposé... de rester dormir. Nous sommes donc allé-lée nous coucher. J’ai tenté une approche, mais elle m’a ressorti l’histoire (comme une certaine Margot, donc, à Chicago) de l’ancien copain dont elle était soi-disant encore amoureuse... Je n’ai pas insisté. Elle n’attendait pourtant que ça, m’a-t-elle avoué le lendemain, pour conclure par : « Tu connais vraiment mal les femmes ! » Je ne sais pas, je ne sais plus. C’était déjà la fin de l’année. L’occasion ne s’est pas de nouveau présentée. La Matrice ne l’avait pas programmée. Clin d’œil à ma sœur : son homosexuel de frère a par contre croqué, cette année-là... une Sabine. Mais elle n’était pas aussi beeelle… drôôôle… subliiime… que Mychèèèle…
Ainsi fut-il (notamment) côté cœur. Côté pine... euh... copines, sans coucher justement (comme si c’était exceptionnel chez moi...), les meilleures furent Françoise, une assez jolie brune à l’accent du midi à couper au couteau (mais qui se moquait [gentiment] du mien et de mes « avé » au lieu de « avec »), et Anne, avé l’accent qui va bien aussi, mais britannique. Parce qu’elle était birmane. Mais non. Anglaise. Quel bonheur de gentillesse, d’humour (briman... euh... tannique), de drôlerie, et à vrai dire la plus excellente de tous-toutes car je la vois encore avec sa tête toute ronde sur son corps tout rond aussi (pas un canon de beauté mais ça lui allait à merveille – j’aime bien les grosses, moi l’asticot), son sourire, ses yeux pétillants, alors que nous étions assis, face à face, au resto U, me dire... que j’étais le Sauveur ! Parce que Xavier, en anglais, hormis le « k » initial, se prononce exactement comme Savior : « kseyvieur ». Voilà, ça, c’est fait.
Côté bachotage, l’année s’est terminée par la présentation du mémoire de fin d’études sur lequel je travaillais comme un dératé depuis des mois. J’ai payé une étudiante pour le taper. Je m’imaginais encore que je n’aurais jamais à me servir d’un ordinateur, éprouvant à l’égard de cette machine une révulsion innée. J’avais cependant dû suivre des cours d’informatique, dans le cadre de mes études de traducteur, à Toulouse... sur des ordinateurs antédiluviens nécessitant encore d’entrer un programme pour les démarrer ! Et je me suis finalement résolu à en utiliser un, dans les locaux de l’université de Strasbourg, pour taper un CV, m’arrachant les cheveux pour la mise en page, car pas évidente du tout, quand on débute, pour ce type de document.[6] C’est à Toulouse, aussi, que j’ai appris à tapoter : sur une machine à écrire !
J’ai choisi de réaliser mon mémoire sur le thème des investissements étrangers directs en Europe de l’Est, en ce début de bouleversement de l’ordre mondial post-écroulement du bloc soviétique des Trois Sismiques[7], les années de la désintégration du Rideau de Fer : 1989 avec la chute du Mur de Berlin, 1990 avec la réunification de l’Allemagne, et 1991 avec la dissolution de l’URSS[8]. Je suis allé passer cinq jours, pour mon mémoire, dans le pays qui, quand les deux moitiés de l’Europe étaient en train de se recoller, en cette année 1992, avait été coupé en deux : l’ex-Tchécoslovaquie. La République tchèque et la Slovaquie ont ainsi rejoint la cohorte de la quinzaine de nouveaux États-nations nés de la disparition de l’empire soviétique. Je me suis donc rendu dans la capitale non plus tchécoslovaque mais tchèque, où j’ai interviewé un certain nombre d’acteurs économiques et industriels et de citoyens-yennes tchèques. Prague est un autre de mes rotis[9] des plus belles villes visitées.
Le sid… euh… sévice… euh… service militaire, dont j’avais toujours été persuadé qu’il ne passerait pas par moi…
Puis vint 1993, qui a bien porté son 13... version pas(-que)-bonheur... Car voilà : j’ai angoissé toute l’année à l’idée du service militaire auquel, jamais je ne l’aurais cru... je n’allais finalement pas couper. J’aurais bien suivi une année d’études supplémentaire, à Strasbourg, mais la limite d’âge pour l’accomplissement de ce qui constituait encore une obligation, pour tous les jeunes mâles, était atteinte. Je n’avais pas souhaité en être exempté aux « trois-jours », à Limoges, à la différence de tous mes copains, à l’exception notable d’Okis – mais qui se souvient parfois avec émoi de la fresque avec de beaux hélicoptères qu’il a été si fier de réaliser sur le mur d’un hangar de sa caserne... Il se disait que la dispense « P4 » pour raisons psychologiques pouvait s’avérer préjudiciable pour quiconque envisageait de travailler dans la fonction publique.
Mais la raison était surtout que je rêvais d’obtenir un poste de coopérant à l’étranger, en Afrique comme c’était la plupart du temps le cas, et dont j’espérais, de surcroît, qu’il déboucherait sur un emploi durable. Je percevais cette opportunité comme une rampe de lancement vers une future carrière professionnelle dans ce continent ou ailleurs à l’étranger ! Mais les places étaient chères. Et le jeune homme que j’étais, à peine sorti de son cocon familial et estudiantin, et dépourvu de toute véritable notion du monde réel, s’était imaginé qu’il suffirait d’actionner une seule fois un prétendu piston, en l’occurrence le doyen de la faculté du Mirail, qui se trouvait être mon professeur d’allemand de l’ESUCA. Et qui a lui-même eu l’outrecuidance et la naïveté, en universitaire et intellectuel peut-être un tantinet présomptueux et ignorant, au demeurant, de certaines réalités, de m’affirmer qu’il m’arrangerait ça. J’ai donc ensuite attendu que ça me tombe tout cuit dans le bec, sans rien entreprendre de plus. Or un tuyau, quand on le tient, on ne le lâche plus, on le relance, on SUIT l’affaire, et c’est becs et ongles que l’on se bat pour s’assurer qu’il fonctionne, en multipliant les démarches et les contacts ! De poste de coopérant en Afrique je n’ai par conséquent jamais vu la couleur. Ce qui voulait dire (homar[10]) : caserne !
N’ayant donc par ailleurs pas voulu risquer de me fermer des portes en étant déclaré inapte, je suis allé toquer à celle de l’attaché parlementaire, que connaissait Ama, elle-même une personnalité du monde militant et associatif local, du député Alain Lamassoure. J’ai donc « pleuré » dans le bureau d’un homme politique de droite (c’est du propre) pour qu’il obtînt de me réformer, finalement, quoi qu’il en coûtât ! Mais le deal fut le suivant : j’accomplirais les « classes », suite à quoi un poste de « linguiste » me serait attribué. Ainsi dispenserais-je des cours de langue, pendant neuf mois, échappant à la vie de trouffion de base, et ne perdrais par conséquent pas mon temps mais me forgerais, au contraire, une première expérience. J’ai de surcroît été affecté à une unité de l’armée de l’air, la planque au regard des autres corps d’armée, et à la caserne de Francazal, en banlieue de Toulouse, connue comme la planque des planques. Je garde un froute souvenir des trois semaines de classes, comme d’une période de franche rigolade et de courtes mais intenses amitiés. Ça crée des liens, comme on dit ! Mais mon poste de linguiste : keutchi[11].
On m’a alors proposé la fonction d’aspirant-officier instructeur. Faire marcher des hommes au pas, donner des ordres, sous ceux de mes propres officiers : mais c'est bien sûr, j’en avais toujours tant rêvé ![12] En vrai : à la seconde où j’ai compris ça, c’était terminé ! Objectif : LIBERTÉ !!! Au diable l’armée !!! Que l’on me foute P4, P12, P3000, moi, je me casse !!! J’ai instantanément vrillé. J’ai décidé d’arrêter de parler, d’obéir... et de manger. Il n’a pas fallu longtemps pour qu’un supérieur à mes côtés se doutât de ce que chez le troisième-classe Renard ça s’était mis à ne plus tourner très rond. [Relec-6-è : de nouveau mon paraphe « XR » sur mon brouillon. Je signe ? Non !!!] Et je me suis rapidement retrouvé dans le bureau de deux aspirants, qui se sont mis à me cuisiner. Il ne fallait évidemment surtout pas que j’avoue que je ne voulais pas faire l’armée. Car je devais obtenir que l’on conclût, comme aux trois-jours pour quiconque souhaitait être « réformé », que je ne pouvais pas. Inapte ! Oui ! C'est ça ! Je ne disposais toutefois d’aucun dossier de médecin ou de psy pour cela. Je ne m’étais pas préparé. Le Renard s’était jeté dans la gueule du loup, dont il lui fallait désormais s’arracher. Dans l’armée de terre ou, pire, les paras, je me serais fait démâter. Casser en 4, 12, 3000. J’ai rencontré un autre Xavier, ainsi réduit en miettes, quand je me suis rapproché de la sortie de ce merdier. Mais dans l’immédiat j’y étais jusqu’au coup, et c’était mission Xabi libratu[13] !!! Libérez Xabi !!!
Je devais donc apparaître comme un pauvre petit être apeuré et déprimé. Qui aurait adoré, sinon, poursuivre l’aventure, avec tous ces hommes en uniforme, ah ! oh ! L’interrogatoire a duré pas moins de deux heures. Après quoi l’observation du sujet a continué… à l’infirmerie. Et tous les jours il reprenait. Moins fermement, plus insidieusement, avec un autre milo du genre psychologue, le but demeurant de me faire cracher le morceau, et de me convaincre que je ne pouvais échapper à mon devoir. Même dans l’armée de l’air, et à Francazal, on ne vous lâchait pas comme ça ! Mais rien, absolument rien, après des mois de torture psychologique, et alors que j’avais fini par me réreréer (résigner à regagner un régiment), rien ne pouvait plus me dérer (détourner) de mon but. L’angoisse avait été telle, jusqu’au jour du départ à Francazal, en attendant le bus pour m’y rendre, devant la gare Matabiau à Toulouse !... Et j’avais accepté d’endosser l’uniforme, de manier une arme et d’apprendre à tirer, reniant mes valeurs et mes principes. Je n’allais pas l’emporter au paradis.
Mutisme et insoumission se sont donc accompagnés d’une grève de la faim. Et qu’est-ce qu’on a faim quand on fait la grève de la faim ! Je rêvais, la nuit, que je dévorais, sans couteau ni fourchette, la tête dans le plat, des spaghettis à la bolognaise comme je m’en était tant concocté, aux petits oignons, étudiant ! Et ce réfrigérateur dans la salle de télé, sans aucun doute abondamment achalandé pour ne pas me décevoir, en cas de visite de ma part, comment n’ai-je jamais craqué la nuit pour y mettre le nez ? Je pensais, en ne m’alimentant pas, que je serais rapidement victime d’un malaise, qu’on m’emmènerait à l’hôpital, et que l’affaire serait réglée. Mais l’organisme est fait pour ça, résister longtemps, longtemps, sans aliments... Ça a dû le faire bien rigoler. C’est le cerveau qui dit : allez, mange ! Régale-toi ! Je me demande si je n’étais pas au contraire plus en forme que jamais. On connaît les vertus du jeûne ! Alors je fumais, tant que je pouvais, devant le bâtiment de l’infirmerie. Je mangeais des pommes... Mais non ! Je FAISAIS des pommes... euh... des POMPES ! Pour tomber dans les pommes… Ah, voilà, c’est ça. En vain.
Jusqu’au jour, au bout d’une semaine, où j’ai décidé… de ne plus boire ! Et c’est ce jour-là (transmission de pensée !) que le commandant de la base, en personne, est venu me trouver dans ma chambre. Il m’a déclaré : « Ne vous inquiétez pas, Monsieur Renard, vous serez réformé. Mais qu’est-ce qui ne va pas ? » Je déprime, j’angoisse, vous comprenez… Je vois encore ce haut gradé, alors que nous étions assis, moi sur mon lit et lui sur celui d’en face, tout en compassion et bienveillance, s’inquiétant comme un père de mon sort, et m’adressant ces mots de réconfort : « Ça ira, Monsieur Renard. Il faut vous ressaisir maintenant ! Il ne faut pas vous laisser aller ! » Ma supposée déprime avait donc finalement été prise très au sérieux, jusqu’au sommet de la hiérarchie de cette unité de corps d’armée, pour laquelle il n’était pas question de continuer de prendre le risque d’un incident grave, comme une tentative de suicide, qui aurait fait désordre. « Vous vous rendez compte, le commandant de la base en personne ! » s’était exclamé, béat, le militaire qui m’avait suivi et asticoté jusqu’au bout. Je ne devais pas me laisser aller ? Tu parles ! Si j’avais pu hurler ma joie, le prendre dans les bras !!!
Mais c’est vrai qu’après, on en apprécie d’autant plus sa… LIBERTÉ !
Mais ce n’était pas encore tout à fait terminé, et j’ai alors été transféré au service psychiatrique de l’hôpital militaire de Larrey, en banlieue de Toulouse. J’en ai pris pour trois semaines supplémentaires, dans une chambre que j’ai partagée avec un type sacrément atteint qui, lui, ne faisait pas semblant d’aller très, très mal. Et il y avait, donc... Xavier, brisé par les paras. J’ai ainsi été témoin des dégâts psychologiques que cette institution en marge du droit qu’était le service militaire, un peu comme la prison, était capable d’infliger. J’étais en présence d’une victime de violation des droits et de la dignité de la personne, qui aurait mérité d’être dénoncée ! Cette réalité, heureusement, appartient désormais au passé. Merci qui ? Merci Chichi. Nous avons formé un beau trio, avec Xavier et un autre type, qui se trouvait à un stade médian entre les deux Xavier respectivement disloqué et en pleine forme aux portes de la liberté, discutant beaucoup et nous marrant comme des tordus, tandis que le bien et le pas trop mal portant apportaient à leur comparse plus bas que terre tout le soutien moral qu’ils pouvaient. J’espère qu’il s’en est remis, mon Xavier, et qu’il va bien aujourd’hui. Quelle belle rencontre encore, et quelle aventure humaine unique, et d’une telle intensité. Merci l’armée ? Et puis quoi encore ?
Un traitement aux antidépresseurs m’était administré. Mais je me gardais bien de les prendre. Les repas : j’aurais avalé le contenu de tous les plateaux, en plus du mien, si j’avais pu, ainsi que les plateaux eux-mêmes, les tables et les chaises. Mais malgré la promesse du commandant de Francazal, je demeurais sur mes gardes, pour le cas où l’on essaierait encore de me piéger, et de me récupérer. Alors j’en laissais un peu dans mon assiette, car je restais officiellement moi-même psychologiquement très affecté et mon état, s’il n’était pas feint, devait continuer de perturber mon appétit ! Alors que je n’étais plus qu’un petit ogre encore affamé de la privation que je m’étais infligée pendant cette terrible semaine où, dans mes rêves, je me noyais dans des pâtes. J’ai eu la visite de mes Maritxu, Laury, Yolande, Christelle et Virginie chéri-ries et de japu[14] qui… d’Ama sûrement aussi… venus me soutenir un peu dans ce drôle d’épisode de ma vie.
Mais lors d’un repas, patatras, le faux pas. La fin des trois semaines d’hôpital psy approchant et me croyant tiré d’affaire, j’ai mangé tout ce que j’avais sur mon plateau, demandant à mon voisin si je pouvais prendre son dessert qu’il n’avait pas touché. Des militaires ont surgi de toute part, m’ont plaqué au sol, ligoté et emmené jusqu’à un véhicule blindé stationné près de l’entrée du service de psychiatrie et qui attendait là, apparemment, depuis le début de mon internement, le moment où je flancherais. Ils avaient eu le Xabi. C’était manifestement devenu, au-delà de la caserne de Francazal, par laquelle un véritable stratagème, avec l’intervention du commandant de la base en personne, avait été mis au point, un enjeu national. Il fallait faire un exemple, pour tous ces jeunes qui s’imaginaient pouvoir « échapper à leur devoir », selon l’expression employée par ce militaire qui avait échoué à me refaire rentrer dans le rang, et en conséquence de l’échec duquel ces grands moyens avaient dû être mis en œuvre. Je l’ai retrouvé… au cachot ! Où ils l’avaient jeté aussi, pour avoir failli. Il ne nous restait plus qu’à croupir ensemble. « Tu vois, si tu m’avais écouté, on n’en serait pas là tous les deux… » a-t-il soupiré. Si au moins on avait pu se consoler mutuellement. Mais il n’était pas à mon goût...
Baaahhh !!! Diaaa !!! Mais non. Au bout de trois semaines à l’hôpital comme promis par papa commandant… j’étais libre !!! Enfin, après ces six semaines entre Francazal et Larrey, le cauchemar du service militaire de toute l’année 1993 était terminé. J’ai savouré ma première soirée entre amis-mies, après ça, à Toulouse, chez Virginie et son coq[15] Matthieu, et avec japu quels autres énergumènes de la bande. Je me souviens de la mine de Ninie à qui, en tant que femme, ce genre d’aventure ne risquait pas d’arriver, à la fois amusée, incrédule et épatée. C’était assez surréaliste tout ça en effet. L’étape d’après : la vie active ! Fini les études, et j’étais DOM, non pas un département d’outre-mer à moi tout seul – et elles étaient encore loin, loin, loin mes îles –, mais « dégagé des obligations militaires ». Ouf, vingt dieux. Poursuivre ma route. Ne pas me pas me laisser aller. Comme si ça me ressemblait. Pas d’inquiétude, mon général !
- {Gapachou 12 : [C] Chamou = Chapitre de Modoupa ; Conne = Confinement (Féminin ? Oui c’est ainsi, en modoupaïen. C’est comme « scolopendre », c’est féminin. Une dame à côté de moi à mon salo-tarage, qui manque de se faire piquer par la bête, un bébé, mais ça fait très, très mal aussi, un bébé [il était bleuté à souhait – c’est vraiment très mauvais signe], elle essaie de l’écraser avec sa sandale, il disparaît dans le sable. Elle s’affole : « Il est où ??!! » Je la corrige : « Non, c’est “elle” » « Pourquoi elle ?! », proteste-t-elle. Moi : « Oui, j’ai découvert ça y a pas longtemps » « Non, ça peut être que “il” !!! », se re-rebiffe-t-elle. Moi : « Non, ça peut être que “elle” !!! » Elle : « Non, ça peut être que “il” !!! » Moi : « Non, ça peut être que “elle” !!! » Elle : « Non, ça peut être que “il” !!! » Moi : « Non, ça peut être que “elle” !!! » Elle : « Non, ça peut être que “il” !!! » Moi : « Non, ça peut être que “elle” !!! » Elle : « Non, ça peut être que “il” !!! » Ainsi de suite. Le coucher de soleil était très beau. La nuit aussi il fait bon ici de toute façon. On a même pu dormir un peu. Et puis au petit matin c’est reparti : Elle : « Non, ça peut être que “il” !!! » Moi : « Non, ça peut être que “elle” !!! » Elle : « Non, ça peut être que “il” !!! » Moi : « Non, ça peut être que “elle” !!! » Elle : « Non, ça peut être que “il” !!! » Ainsi de suite. Ça a commencé y a une dizaine de jours. Je viens de rentrer.) ; Coq = Compagnon de l’époque (Les coqs, tiens ! et les poules : la meilleure arme contre le redoutable insecte ! Et le jour même de la joute [de quelques secondes, mais oui], je me suis arrêté quelques instants en observer, sur le parking de la Datcha ! Un coq, supeeerbe, ses deux-trois poules et leur ribambelle de petits poussins. Trop chou. J’avais ça « à la maison » [dans ma résidence] à une époque, avant qu’elle n’en fût « nettoyée »...) [F] Froute = Fort chouette [G] Gapachou = diminutif de Gamou-pa-fraichou (Glossaire modoupaïen-français de/du chamou) ; [H] Homar = Horreur, malheur [J] Japu = Je ne sais plus [M] Modou = Mot de modoupaïen ; Modoupa = Mon Dieu, Mon Bouddha et Patata ; Muta-pine-de-poq = Malheureusement-pas-petite-copine-de-l’époque [R] Roti = Record de toute ma vie [S] Salo-tarage : spot café-clope Datcha-terrasse-plage [U] Usine = Une de mes antiennes}
- ↑ Angelu*, les introduire juste après ce qui suit, t’exagères. Car ils ne se sont retrouvés collés à Debbie, ses pénétrations et ses chevaux qu’après plusieurs repassages. Angelu : « On a changé de chapitre, ça va... » Ouais... (*Quel Anar [Ange Gardien]. Se prononce « Anguélou »)
- ↑ Fort chouette
- ↑ Une de mes antiennes
- ↑ « Éouchkal herri » : Pays basque
- ↑ « Lachaï » : coolos, tranquilou
- ↑ Daniel Cohen, Il faut dire que les temps ont changé. Chronique (fiévreuse) d’une mutation qui inquiète. (éd. Albin Michel), p. 171 : « La révolution numérique remonte aux travaux de l’Agence pour les projets de recherche avancée du département de la Défense américain (Darpa). Celle-ci a mis en place, en 1969, un réseau de communication révolutionnaire dont l’objet était de protéger le système de transmission américain des risques d’une frappe soviétique. [...] En 1979, trois étudiants des universités Duke et de Caroline du Nord ont mis au point une version modifiée [du système d’exploitation Unix] ayant permis de relier les ordinateurs par une simple ligne téléphonique. [...] On ne peut être que fasciné par la vitesse à laquelle a ensuite eu lieu la transformation du monde numérique. [...] En 1989, [X] et [Y] définissent la structure du World Wide Web. [...] En 1999, le Wi-Fi est initié par la société Interband. » Tous ces 9 ! Toutes « mes » décennies ! Au milieu de pas mal d’autres dates, certes, mais sans une telle « suite » et un tel nombre d’occurrences pour les autres décennies. À rapprocher du grand paradoxe de mon aversion pour l’électronique et l’informatique et du fait que l’ordinateur et Internet, désormais, et depuis de longues années... « me font vivre » !
- ↑ Dans ma lecture de Politis, le jour où j’ai pondu cette appellation, sur le modèle de l’expression « les Trente Glorieuses », je suis arrivé à la page d’un article intitulé... « Les “Trente Désastreuses” de l’hôpital public » !..., où il était notamment écrit, à propos de la pandémie de coronavirus : « Le capitalisme du désastre sait lancer des raids systématiques contre la sphère publique, au lendemain de cataclysmes*, et traiter ces derniers comme des occasions d’engranger des profits. » (*J’avais d’ailleurs d’abord choisi les « Trois Cataclysmiques » !) Mais également, pour relativiser ces propos : « N’oublions pas que la Sécurité sociale a été construite dans un contexte économique extrêmement dégradé. » Dans la même veine tectonique, quel putard : « Le 17 mars 2020 [jour du début de la conne], l’aiguille des sismographes s’est brusquement calmée : du jour au lendemain, les vibrations au sol provoquées par les activités humaines avaient chuté d’un tiers » (Politis 1613, août 2020, p. 24). [*Confinement. Féminin ? Oui c’est ainsi, en modoupaïen.]
- ↑ Le lien entre ces années, 1989, 1990 et 1991, que j’assimile à la notion de séisme, dans le sens d’un bouleversement majeur, et les « Trente Désastreuses » de l’article ? Le triomphe du capitalisme, resté l’unique vainqueur, après la disparition du communisme, en ces années fatidiques, et qui plus que jamais a pu se déployer tous azimuts… Sans aucun rapport cette fois, si ce n’est peut-être le choc entre les idées développées par Politis et le nom de la personne dont il est question : le journal publiait, dans les pages suivantes, l’interview d’un certain Claude… Le Pen, un « professeur émérite de l’université Paris-Dauphine ». Après quoi il était précisé : « Nous avons appris le décès de Claude Le Pen le 6 avril, trois jours après qu’il nous a donné cet entretien. » Date... cataclysmique (le 6 avril 1994 est celle du déclenchement du génocide rwandais), pour le décès d’un... beurk : je ne peux tout de même pas écrire une troisième fois ce nom, même s’il ne s’agit pas du... (haut-le-cœur).
- ↑ Records de toute ma vie
- ↑ Horreur, malheur
- ↑ « Que dalle ». Mais pour les nanas, car « keuts », plus courant, mais ce que je ne savais pas, c’est que pour les gars : je me souviens de ma muta-pine-de-poq* Isabelle m’expliquant cela en descendant les marches du palais... euh... du lycée René Cassin (aaahhh ! Renééé ! le Bayonnais Prix Nobel de la Paix corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l’Hooomme !...). Éconduit par Madame, je me suis donc dit que jusqu’à la fin de mes jours je ne dirai pas « keuts » mais « keutchi ». Na. (*Malheureusement-pas-petite-copine-de-l’époque)
- ↑ Un sacré privilège pourtant, à en faire pâlir de jalousie bien des conscrits !
- ↑ « Chabi libratou »
- ↑ Je ne sais plus.
- ↑ Copain de l'époque