Chapitre 44 – Haïti chéri !

De Xavier Renard
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La Première République Noire

Catacunu-sapocu n° 3 : Haïti. « Ayiti[1] chéri ! », comme le dit la chanson. Chéri emmène-moi à Haïti ! Pas peu fier et heureux l’Euskaldun[2] qu’ils soient entrés, lui et son mythique pays, dans sa vie ! Mais je suis jaloux ! Car le peuple haïtien l’a acquise, LUI, son indépendance ! J’ai brûlé six ans d’y aller, entre ma rencontre avec Manno, le 18 septembre 2003, et le jour où, enfin, nous nous y sommes envolés, depuis la Gwadloup, le 24 décembre 2009. Des Petites aux Grandes Antilles : Gwadloup, Matinik, Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Martin et les autres confettis de l’arc caribéen sont surmontés, au Nord, d’îles d’une superficie nettement supérieure, parmi lesquelles Hispaniola – regroupant Haïti et la République dominicaine –, Cuba, la Jamaïque et Porto Rico. Haïti, qui occupe le tiers oriental de l’île d’Hispaniola, est devenu, en 1804, la première république indépendante de population majoritairement noire. Haïti est le seul pays francophone indépendant des Caraïbes. L’armée de Napoléon Bonaparte a été contrainte de céder l’île à sa population, à l’issue de la révolution menée, de 1791 à 1803, par Toussaint Louverture, « cocher d’habitation sorti de la tourbe des esclaves, devenu chef militaire et homme d’État, venu à bout des forces d’occupation anglaises et des troupes françaises, conduisant son peuple au seuil de l’indépendance. » Mais « le héros de l’indépendance et l’organisateur de la nation, moins qu’un dieu mais plus qu’un homme », a péri « victime d’un guet-apens et d’un abus de confiance ».[3]

Les Haïtiens sont souvent méprisés, comme en Gwadloup, alors que leur pays, « La Perle des Antilles », devrait constituer un objet de fierté et un modèle ! Si celui-ci n’a toutefois malheureusement jamais vraiment émergé, la déliquescence du pays doit beaucoup au prix fort que la France napoléonienne lui a fait payer, en le contraignant à l’indemniser au titre de la perte des revenus de son système esclavagiste et de ses milliers de plantations de sucre et de café. « La rançon extorquée au peuple haïtien pour avoir “osé” accéder à l’indépendance [a fait] ployer des générations sous le poids d’une dette illégitime. Haïti, qui a lutté de longues années pour s’émanciper de la tutelle française et s’affranchir de l’esclavage, paiera sa rançon jusqu’au dernier centime, de 1825 à 1883, à ses anciens colons. Pour Louis-Georges Tin, président du Conseil représentatif des associations noires (Cran), “l’argent doit revenir à l’État haïtien et à la société civile haïtienne. L’heure est venue de réparer cette double peine subie par l’île, l’esclavage puis la rançon. Le dénuement d’Haïti est dû au paiement de ces 90 millions de francs-or qui ont obligé le pays à s’endetter sur des décennies”. »[4]

Extraits de Haïti, kenbe la[5]. Trente-cinq secondes et mon pays à reconstruire, de Rodney Saint-Eloi[6] :

En Haïti, seul le peuple est digne, me disait souvent un ancien professeur de sciences sociales. Sa pauvreté est sa richesse, contrairement aux élites qui ont cet air abattu et blasé.
[...] Dans les rues, les visages ont toujours ce rire large et abondant.
[...] Je reconnais mon pays à la création constante de cette vie. Jamais en manque d’histoire. Le défi de vivre dans le dénuement, avec les yeux grand ouverts sur demain.
[...] Un jour, ça marche, un autre ça ne marche pas. L’insécurité a baissé d’un cran. La vie chère continue à chiffonner les tripes. Toujours les mêmes qui mangent, boivent, et toujours les mêmes qui souffrent et tombent sous la férule du soleil dévastateur. Le problème, aujourd’hui, est que personne ne sait vraiment qui est le président, poursuit John, d’un air ironique. Parfois, tout porte à croire que c’est l’ancien président des États-Unis, Bill Clinton, nommé envoyé spécial de l’ONU pour Haïti en mai 2009. Ce serait bien. On deviendrait tous des citoyens américains. Les Haïtiens, au lieu de passer leur vie à dévisager l’autre côté de la mer en rêvant d’un visa américain, conclut-il, seraient tous chez eux, dans le Big Apple.
[...] Sept familles contrôlent le pays, avec l’aval des corps constitués de l’État [et grâce aux] règles établies pour que la haute reste la haute.
[...] Quand on boit, on jette deux gouttes par terre, en signe de respect et de reconnaissance, pour rester connecté, pour dire merci aux dieux, aux loas, aux saints et aux invisibles.

Ils ont la 5G pour se connecter aux loas, en Haïti ? Non ? Lol. Rodney Saint-Eloi relève, dans son livre, à propos de son pays, « le recul du vaudou et le triomphe de la technologie ». Mais le monde n’a-t-il en réalité pas connu un recul des pratiques ancestrales ET de la technologie ? La plus belles et la plus efficace des technologies ne consiste-t-elle pas précisément, pour les êtres humains, à vivre... connectés à leur environnement naturel, mais sans 1, 2, 3, 4, 5G de la connectivité (il n’y en aura pas d’autre, ce cauchemar aussi est bientôt terminé)[7], en l’exploitant raisonnablement, en osmose avec lui, avec l’Au-delà et les esprits, et en se nourrissant de leurs énergies ? Que valent des techniques et une science garantissant un confort matériel, des remèdes et des traitements contre les maladies – dont la destruction des écosystèmes ont pour effet de fournir sans cesse le catalogue –, et un allongement de la durée de vie dont des pans entiers des populations, dans le monde, ne bénéficient pas ? Que penser de modes de vies et de pratiques si destructeurs qu’ils ont conduit la planète, après l’astéroïde ayant provoqué, il y a soixante-cinq millions d’années, la cinquième extinction massive du vivant... à la 6GE, la sixième Grande Extinction ? Mais suis-je vraiment en train d’écrire ça ?! Si la Terre explose demain, les êtres humains pulvérisés se diront-ils encore que ouais, bof, allez, on continue sur la même voie ? Les dinosaures à éradiquer sont les tenants du modèle technologico-productiviste. Et si l’on en est là, quoi qu’on en pense, parce que c’était écrit, il l’est aussi que l’humanité trouvera, bientôt, le parfait compromis. Le Progrès (économique, scientifique, médical...) ? Vive Lui ! Mais le VRAI, c’est-à-dire pour TOUTES ET TOUS, et dans le respect de l’environnement.


Je découvre enfin, évé doudou’m, son pays

Si le vaudou recule, Manno et moi, en tout cas, avons eu le privilège d’assister à une grandiose cérémonie organisée par Jean-François, on zanmi a doudou’m[8] chez qui nous avons passé deux jours, à Port-au-Prince, dans le quartier de La Plaine. Elle a eu lieu, en présence d’une centaine de personnes, dans un grand bâtiment à proximité de chez lui. Pendant que Jean-François officiait, au centre d’un immense hall cerné de galeries, sur plusieurs étages, desquelles Manno e mwen avons pu observer, en hauteur, fascinés, l’impressionnant spectacle. Les membres de l’assemblée sont progressivement entrés en transe, sur les tambours et les paroles scandées en l’honneur des divinités et des esprits, avec force breuvages à base de rhum et d’herbes euphorisantes et sacrifices d’animaux.

Manno s’est récemment brouillé avec un ami – une « connaissance », du moins, comme il dirait –, lors d’une discussion avec lui à Paris, pour avoir osé critiquer son – leur pays. La situation s’est encore dégradée ces derniers temps, Haïti ne cessant de s’enfoncer dans une crise politique et humanitaire, avec de violentes manifestations qui ont occasionné plusieurs morts. Décourageant, écœurant : je le ressens très vivement moi aussi, même si je ne suis pas de ce pays. Enfin si, justement, j’en suis désormais un peu habité et... aller y habiter un peu, quelques temps, s’y procurer un pied à terre, j’en ai pas mal parlé à une époque à Manno. Il n’a jamais été chaud du tout ! Nous avons tous les deux récemment été pris d’un même élan de désespoir, un peu comme pour une personne à qui l’on tiendrait mais qui se laisserait sombrer et dont on ne parviendrait à rien tirer, malgré tout l’amour et le soutien manifestés et la volonté de croire en elle. Abordant le sujet avec Manno, au bout de trois mots sur l’actualité du pays, j’ai lâché : « C’est vraiment pas possible ! » Et Manno, dans un même soupir : « J’abandonne ! »

Manno s’est rendu à Haïti à plusieurs reprises, au cours des dernières années, pour se lamenter, à chaque fois, de la situation qu’il y avait trouvée. Il a donc eu le malheur, à l’adresse de son ami-connaissance, d’opiner que les gens pourraient un peu se prendre en mains, ne pas tout attendre du gouvernement, et au moins nettoyer devant chez eux, voire peindre leurs façades... et planter des arbres ! (C’est son crédo.) Il a notamment été très choqué par la saleté des rues de Port-au-Prince, du fait d’une gestion catastrophique de la collecte des déchets, à l’instar de tant d’autres aspects de l’organisation de la vie du pays. Mais l’on sait l’ampleur des moyens nécessaires dans ce domaine pour une mégapole, pour lequel la simple bonne volonté des citoyens-yennes ne saurait peser bien lourd. « Mais comment tu peux dire ça ?! », a commencé par rétorquer son compatriote, outré par ses propos, pour conclure par la ritournelle : « Haïti, quand-même, la première République noire ! » D’accord. Et la discussion s’arrête là ? On va aller loin, avec ça.

Du fin fond des âges avec le vaudou au monde moderne et... branché : Manno et moi avons passé une nuit de Noël mémorable, dans des allers et retours entre la fête de l’hôtel Karibe[9], « le plus chic de Port-au-Prince », ainsi que Lionel-Édouard Martin le qualifie dans son livre Le Tremblement[10], et celle de l’hôtel Oasis en face. C’était une des plus belles soirées de toutes celles du couple de fêtards et danseurs invétérés que nous avons été, ouvrant le bal et embrasant le dance floor des boîtes de nuit, des fool moon et autres beach parties que nous écrémions. La star, c’était surtout mon Apollon, qu’il s’illustre à la barre ou sur la piste, et non pas dans l’ombre mais dans la lumière duquel je jouissais de me produire moi-même ! Sandy une ancienne collègue de Vanessa du Cheyenne que j’ai retrouvée un jour sur la sublime Caravelle, la plage du Club Med, en Gwadloup – accessible à tous-toutes bien entendu –, m’a présenté comme le « roi de la fête » aux amis-mies avec lesquels-quelles elle se trouvait. C’est donc que je ne devais pas trop mal me débrouiller non plus ! Doudou’m e mwen avons passé la première nuit au Karibe, situé à Pétionville, le quartier riche de la ville, sur les hauteurs, avec fanta-vue sur toute la baie de Port-au-Prince. Images diffusées depuis ce même point de vue le jour du tremblement de terre : tout Port-au-Prince en contrebas est plongé dans le brouillard... Mais ça n’en est pas, c’est la poussière qui s’élève au-dessus des constructions, sur toute la surface de la ville à terre. Nous avons déménagé, le 25 décembre, pour l’un peu moins luxueux hôtel Montana. Nous avons sillonné le sud-ouest de l’île, à bord de notre véhicule loué à l’aéroport en arrivant. Dans le secteur de Montauban de la commune d’Aquin, où Manno est né, à cent cinquante kilomètres à l’ouest de Port-au-Prince, il m’a montré la case abandonnée de sa grand-mère, l’univers de son enfance, dans les bois. Nous avons marché jusqu’à celle, un peu plus loin, de... Madame Chérie, avec qui Manno a discuté un moment.

Dans le secteur de Miragoâne de la même commune, nous sommes passés devant un grand bâtiment planté en bord de route : l’ancien magasin du père de Manno. Le jour où il a réuni ses enfants, il y a une dizaine d’années, pour leur parler de sa succession, Manno n’a eu d’autres mots que : « Gardez tout. » Il a dit à son père : « Je ne veux pas de ta vie. » Cette vie que sa mère avait elle-même choisi de fuir, embarquant Manno et son petit frère Franco, pour aller s’établir à Saint-Martin. « Même le dimanche, au lieu d’aller se promener avec ses enfants, il avait toujours à faire au magasin, un camion à décharger… », m’a raconté Manno. On imagine au vu des formidables attentions dont il est capable à l’égard des gens qu’il aime à quel point la manière dont son père a été absent pour lui, et pour tout ce qui ne concernait pas son négoce, a pu l’affecter. À la tombée de la nuit, sur le chemin du retour, entre la case de sa grand-mère et le magasin, Manno a rendu visite à un parent, dans un quartier dépourvu d’électricité, du moins quand nous y sommes passés. Pas le moindre groupe électrogène non plus ! J’y ai découvert l’existence des femmes-chats, en train de se tresser les cheveux, entre elles... dans le noir. Pauvres yeux. Comment doivent-ils vieillir ? Quand ils en ont la chance...

Danqu tipasse[11], vers la fin de la réducu, j’ai réalisé que cet homme, le papa biologique de Manno... avait disparu. J’avais relaté, dans une autre vie de mon manu, les vingt-quatre heures que Manno e mwen avons passé à... Cuba. Manno est allé y rendre visite à son père hospitalisé pour un cancer là-bas. Il effectuait le vol PAP-à-PAP – PAP-à-PAP[12], pour sa compagnie, sur lequel je l’ai accompagné. Dans le genre ça-plane-pour-nous, nous nous sommes imaginé, dans l’hôtel où lui et ses collègues descendaient, que je parviendrais à regagner sa chambre ni vu ni connu, sans payer les cent dollars des États-Unis dont tout-toute pensionnaire supplémentaire était en principe tenu-nue de s’acquitter. Petit détail oublié : la dictature, un univers dans lequel le moindre mouvement de petit doigt est repéré. Alors un étranger, passer inaperçu ? Espérer, comme en France par exemple, que dans un grand hall d’hôtel grouillant de monde je trouverais le moyen de prendre un ascenseur sans que personne ne s’en aperçût ? J’ai effectivement pu effectuer une dizaine de mètres entre un fauteuil où j’étais assis, le temps que Manno passe à la réception – et en attendant de trouver le moment propice pour tenter une approche –, et quelques mètres avant un ascenseur, jusqu’au moment – recteur – où un colosse s’est avancé vers moi et, sans même m’interroger, m’a invité à me présenter à la réception. Nous nous figurions que j’allais pouvoir séjourner ne serait-ce quelques heures dans un établissement, à Cuba, sans que personne ne soupçonnât ni ma présence ni mon existence. Sans que l’on ne revelât mon identité. Ah, les enfants du monde des bisounours...

Ce passage express m’a permis d’apercevoir un peu de La Havane, le temps d’une déambulation entre les abords de la ville historique et un bout du Malecòn, sa promenade de huit kilomètres de long sur le front de mer. Car chéri’m e mwen avons surtout tourné, pendant des heures, dans une de ces vieilles voitures américaines des années cinquante emblématiques du pays, avec nos deux accompagnateurs cubains, le chauffeur et son copilote, pour trouver l’hôpital du papa. N’y parvenant pas, au bout du troisième passage au même endroit, les deux jeunes hommes nous ont prévenus qu’ils ne pourraient pas continuer longtemps comme cela car ils commenceraient à devenir suspects. Mais alors enfin l’hôpital est apparu. Je suis resté à papoter avec mes deux camarades cubains du moment, le temps que Manno effectue sa visite auprès de son papa. Celui-ci, de retour chez lui en Haïti, est décédé six mois plus tard.

En Haïti, une autre expédition, le lendemain du retour de Manno aux sources en ma compagnie, nous a conduits jusqu’à Jacmel. Une charmante cité balnéaire dont les jours étaient comptés, à quatre-vingt-dix kilomètres vers le Sud de notre hôtel en passe, lui aussi, d’être balayé, comme tout dans la région de Port-au-Prince. Jacmel, comme Aquin, se situe de l’autre côté du bras oriental d’Hispaniola, cette longue bande de terre semblable à la mâchoire inférieure de l’espèce de gueule que forme l’île avec, à l’entrée de sa gorge, la capitale, comme si celle-ci avait toujours attendu d’être dévorée. Sur la route en lacets d’un paysage vallonné qui serpentait, en direction de Jacmel, la vue alentour était celle… de montagnes pelées. Haïti est l’un des pays au monde à avoir subi la pire déforestation. La végétation qui, à l’origine, couvrait quatre-vingts pour cent du territoire, a presque totalement disparu. Une des pires engueulades entre Manno et moi a eu lieu sur ce trajet, à bord de notre 4X4, depuis le goitre de la bête.


Deux semaines après notre départ : le séisme

Le 12 janvier 2010, dix jours après que nous avons passé, à Haïti, les cinq jours sus-narrés, un séisme a ravagé le pays, causant la mort d’environ deux cent trente mille personnes, à égalité avec le tremblement de terre et le tsunami survenu, en 2004, dans l’Océan indien. À cette différence près que toutes ces âmes se sont envolées, sur l’île, non pas en quelques heures mais... en une minute. Manno et moi avons échappé, à dix jours près, à ce qui a donc sans doute constitué l’événement le plus meurtrier, eu égard au nombre de personnes auquel il a coûté la vie, en un laps de temps aussi court, de toute l’histoire de l’humanité. Il a fallu que l’épicentre se situe à Port-au-Prince, une des villes au monde où ce type de phénomène était susceptible de provoquer le plus lourd bilan. The Perfect Storm[13] : tous les ingrédients, le degré de pauvreté de ce pays et de ses habitants-tantes, avec des constructions pro-sismiques, pourrait-on presque dire – aux antipodes de ce que le respect de certaines normes est à même de garantir, en termes de résistance des édifices –, ainsi qu’une forte concentration de population, étaient réunis.

Le tremblement de terre a aplati comme une crêpe, comme un grand nombre des immeubles de la ville, l’hôtel Montana où nous avons passé deux nuits, ne laissant aucune échappatoire aux quelque deux cents membres du personnel et clients qui s’y trouvaient alors et au nombre desquels, Dieu, Bouddha et les Loas soient loués, nous ne comptions plus. « Le Montana [qui datait des années 50], l’hôtel de lourdes pierres et de béton, s’est effondré d’un bloc »[14]. Hôtel dont nous avons ramené une serviette, elle aussi ainsi extraite des griffes du goudou-goudou, surnom donné au monstre surgi du tréfonds de la Terre par Rodney Saint-Eloi dans Haïti, kenbe la, qui, lui, était bel et bien présent, à Port-au-Prince, quand il a rugi. Un matin, en Gwadloup, où tout allait de travers (mais au sens figuré, et rien ne bougeait) – dont un samédantoncu qui n’avait pu se tenir à cause du temps, et alors que j’ai réalisé que j’avais oublié mon tapis de gymnastique, la veille, sur la plage –, j’ai voulu attraper une serviette dans l’armoire. J’ai entraîné, avec elle, la serviette du Montana, qui est tombée par terre. L’inscription « Hôtel Montana Haïti » brodée en rouge dans un angle de la serviette m’a sauté aux yeux, ayant l’air de se tortiller comme une scolopendre que j’avais écrasée, la veille, exactement au même endroit.

Le Karibe selon Lionel-Édouard Martin, à la première page de son livre, la page 11 évidemment, juste avant 12 comme « Le 12 janvier », date du Jour Maudit et titre de son chapitre, qui débute ainsi :

Le Karibe a ouvert tout récemment. C’est un vaste complexe peint d’ocre, d’une architecture rappelant les palais du Maroc. Structure hôtelière, donc, sur trois étages, mais aussi centre de congrès, lieu de détente (tennis, grande piscine, jardin tropical planté d’arbres centenaires), rivalisant de luxe et de calme avec deux autres hôtels de standing de la capitale, plus anciens, la Villa Créole et, surtout, le Montana ; guère distant, ce dernier, à vol d’oiseau : on pourrait en percevoir, de la terrasse du Karibe, la masse en haut d’un morne dont la falaise plonge abruptement vers le bas de la ville, si la végétation n’était si dense.

Manno et moi avons payé, pour une nuit au Karibe, l’équivalent de... même pas cent euros ! Et sur la terrasse du magnifique restaurant qui s’avançait dans le vide, en haut de la falaise, au bout de l’immense plateforme en béton sur lequel il se dressait, avec un autre bâtiment, nos cocktails et le repas avec langoustines dont nous nous sommes régalés lors d’un déjeuner ne nous a pas coûté plus de dix euros chacun... (Succession de détails quelque peu indécents dans ces lignes... mais... je laisse.)

Le goudou-goudou de Rodney, selon Lionel-Édouard, quelques pages plus loin :

Maintenant, si je reconstitue le fil des événements selon ce que j’en ai appris par la suite, il était 16 h 52 quand j’ai décapsulé ma bière.
J’ai lentement vidé la bouteille dans un des verres qui flanquent, sur le frigo, les bouteilles d’eau minérale dont le service de chambre gratifie quotidiennement la clientèle, avec shampooing, gel-douche et savonnettes.
Éviter la mousse : verser posément, verre incliné ; c’est un angle, une lenteur à trouver.
Trente secondes.
Il faut trente secondes, pas plus, trente secondes à peine pour s’acquitter de ces gestes.
J’ai posé le verre plein sur le frigo, près de la bouteille vide. Plein, vide ; vide, plein.
Alors saisi par le bouleversement sans point ni virgule la langue ne ponctuant plus rien grosse boule sans prise on est d’un coup dans une cage qui se met à bouger qui bouge secoue.
Manquer de choisir se rattraper à l’air qui n’est pas dur qui bouge aussi.
L’air mou.
Rien pour s’y agripper.
Il n’y a rien à saisir – juste un saisissement, le cerveau fonctionne, celui de derrière, le vieux, celui des bêtes.

« Putain ! », j’ai dit tout haut, puis encore « putain ! », « putain ! » encore, je ne pouvais dire que « putain ! » – et le langage se mêlait aux secousses, et la secousse avec les mots était un borborygme, langue absurde de sourd-muet, « putain ! » unité de temps : ça a duré vingt « putain ! » sous la poussière minérale et les morceaux de plâtre arrachés aux murs, au plafond, et c’était un vacarme de choses secouées avec vigueur, et tandis que ça bougeait encore mais avec moins de furie, je me suis rué vers le bureau, j’ai ramassé mon téléphone, mon « notebook », arraché à la connectique, j’ai tout jeté dans ma sacoche, et je suis sorti dans le couloir, claquant la porte derrière moi.

Je ne peux m’empêcher, en recopiant cela, de penser que l’auteur n’aurait rien

          pu raconter de tout ça s’il                  s’était                             trouvé au Montana,         qu’il 
                 ne serait rapidement rien res                    té ni du vieux ni du jeune cer              veau 

ni de rien ni de personne pour penser ni rien ni personne pour tenter de saisir de l’air

             dur ou de                                            l’air mou 
                                  et que pers 
                                                         onne n’aurait rien pu                   claquer derrière 
                                 soi et sûr           ement pas un            e             port

e dans un mu r q ui n’

               ex                      i             s                 tait                          p               l                 us
                                                          crac                                         boum                             hu
                                                                                    kapput
                                                                                                       finish

the end

                                                        of the haricots noirs dans du riz à la sauce coco

c’est super bon mais c’est fini, eh oui

Mais l’écrivain n’était pas au Montana et il est toujours vivant, et poursuit ainsi son récit :

On n’y voyait presque plus rien. Boyau noir. La prise de jour, au bout, sur le palier, dessinait un rectangle un peu moins sombre. J’ai marché au pas de course sur une jonchée de gravats. Ils frissonnaient encore d’une espèce de vie tirée du tremblement. Image, à la chasse, des oiseaux blessés qui agonisent. Ça passe comme ça devant les yeux, très vite.
L’escalier extérieur, intact.
Je me suis retrouvé sur la terrasse.
Il n’y avait rien à comprendre.

Le goudou-goudou de Rodney selon Rodney :

Je suis au Karibe. John m’explique que c’est l’hôtel le plus chic de Port-au-Prince. « Grand luxe. » Des mois à l’avance, il faut réserver pour avoir la chance d’obtenir une chambre.[15] [...]
Je me suis égaré dans la cour, pensant que la chambre 123[16] était au rez-de-chaussée. Dany Laferrière me guide, maintenant : il soulève une valise et me conduit à la chambre. Il ne me laisse pas le temps de me changer. Il a rendez-vous avec un journaliste qui doit passer le prendre dans quelques minutes. On n’a pas le temps, frère [(Cibidi[17] :) Ou « frèw », plutôt, même dans la bouche de ces gros bourges de Haïtiens de la haute, je pense[18].]. On va manger très vite. Je le suis au restaurant. Une construction légère, ça sent le poli du bois de chêne [(Cibidi :) Ouais, il est tout en bois, c’est ma-gni-fique !], contrairement à la masse de béton qu’est le bâtiment de l’hôtel [...] La pièce surplombe le jardin, le court de tennis et la piscine. De là, on a une vue magnifique sur la baie de Port-au-Prince [(Cibidi :) Je m’en souviens davantage depuis l’esplanade du Montana...] [...]
À peine avons-nous échangé quelques mots sur le festival « Étonnants voyageurs » que chaises, tables, plafond et plancher se mettent à bouger.
C’est quoi cet étrange bruit ?
Les dix premières secondes sont des mitraillettes qui vomissent des balles. Une armée rebelle et sauvage déferle sur la ville. Les objets pirouettent à la manière d’une toupie complètement folle. Je pense aux nombreux coups d’État dont j’ai été témoin. Rien de bien grave. Les militaires nous ont tellement habitués à ces mutineries sans lendemain[19]. Encore une insurrection de palais.
Les secondes suivantes décuplent la fureur de la terre, le cuisinier traverse en flèche la salle à manger. C’est alors que je me rends compte que c’est sérieux. Le cuisinier expliquera le lendemain qu’il avait vu venir vers lui le feu et la casserole dans une danse vaudou envoûtante. Il se voyait poursuivi par Ogou Feray, le dieu du feu. Il courait droit pour aller sauter dans la piscine.
On se retrouve tous, je ne sais trop comment, projetés à plat ventre, regardant vaciller la terre qui secoue les tripes, qui balance tout, et qui tremble, qui tremble. Une crevasse plus grosse que le lit d’une rivière en crue ; sur la façade arrière de l’hôtel ont poussé d’étranges veines. S’ouvre une brèche, balafre phénoménale sur le mur principal. Une main fendue en miettes. Et tout tremble avec la terre. Un bruit étranger de murs affaissés. La terre a la bougeotte, et tout autour pirouette.
Trente-cinq secondes.
Je regarde du côté gauche pour m’orienter au cas où les murs de l’hôtel tomberaient. Soudain, le goudou-goudou s’arrête. Net.
Silence.
Le silence aura duré une éternité. Le ciel à son tour vire au noir, un grand nuage gris de poussière se dessine.
Il est 17 heures. Tout le monde se met debout. Je ne sais pas qui a nommé le premier le goudou-goudou. [(Cibidi :) Ah, c’est pas lui ?] Quelqu’un dans la foule crie séisme d’une voix cassée. [...]
Le complexe d’appartement dans la cour de l’hôtel est penché. Ces appartements, qui accueillent des fonctionnaires internationaux et des coopérants, sont écrasés par le goudou-goudou. [...] De cinq étages, le bâtiment est passé à quatre. Le rez-de-chaussée a complètement disparu.

Et le camarade, au resto, comment c’est-y qui s’en est dépatouillé, lui, alors ? Allez, un tour de goudou-goudou encore, pour le même prix, avec Dany cette fois. Dany à l’heure de « La Minute », comme il la décrit dans le chapitre qu’il intitule ainsi, dans Tout bouge autour de moi[20] :

Me voilà au restaurant de l’hôtel Karibe [(Cibidi :) Ah ouais, il est super beau, tout en bois et tout], avec mon ami Rodney Saint-Eloi [(Cibidi :) Qui ça ? Atacon ! (auto-mise en garde)], qui vient d’arriver de Montréal [(Cibidi :) Ah oui, Montréal à Lourdes ! Angelu : « C’est ç’lààààà... » Ah t’es là ? T’as vu, le goudou-goudou, tu t’amuses, toi aussi ? De la crotte de bique le Booster à côté !! J’en suis au troisième tour. Comme toi ! Tu ne perds une miette de rien, je sais bien ! Allez, attention, c’est reparti !]. Au pied de la table, deux grosses valises remplies de ses dernières parutions. J’attendais cette langouste (sur la carte, c’était écrit homard) [(Cibidi :) Ouais eh oh, tu vas pas te plaindre, au prix où elles sont les langoustes dans ton pays !], et Saint-Eloi, un poisson gros sel. J’avais déjà entamé le pain quand j’ai entendu une terrible explosion. Au début, j’ai cru percevoir le bruit d’une mitrailleuse [(Cibidi :) Eh, commence pas à pomper sur ton camarade !] (certains diront un train) [(Cibidi :) Ah voilà, c’est bien, le train], juste dans mon dos [(Cibidi :) Dans ton dos, oui, c’est bien]. En voyant passer les cuisiniers en trombe [(Cibidi :) Tu recommences !], j’ai pensé qu’une chaudière venait d’exploser [(Cibidi :) Oui, la chaudière, très bien]. Tout cela a duré moins d’une minute[21]. On a eu huit à dix secondes pour prendre une décision. Quitter l’endroit ou rester. Très rares sont ceux qui ont fait un bon départ. Même les plus vifs ont perdu trois ou quatre précieuses secondes avant de comprendre ce qui se passait. [(Cibidi :) Eh oui, le fameux non-réflexe à ne pas avoir, mais il faudrait au moins pouvoir s’ENTRAÎNER pour ça – dans des programmes de préparation aux catastrophes dignes de ce nom, comme en Gwada, où tout est tellement bien organisé pour ça, tellement mieux qu’en Haïti. Mort de rire.] Moi, j’étais dans le restaurant de l’hôtel avec des amis, l’éditeur Rodney Saint-Eloi [(Cibidi :) Euh... t’as bu ? Tu l’as pas un peu déjà dit ?], et le critique Thomas Spear [(Cibidi :) Ah, celui-là c’est nouveau, ton copain Rodney l’avait zappé on dirait]. Spear a perdu trois précieuses secondes parce qu’il voulait terminer sa bière [(Cibidi :) Ah, tiens, y a plus alcoolo que moi !]. On ne réagit pas tous de la même manière. De toute façon, personne ne peut prévoir où la mort l’attend [(Cibidi :) Quel scoop !]. On s’est tous les trois retrouvés à plat ventre [(Cibidi :) Teu, teu, teu], au centre de la cour [(Cibidi :) Ah, ça va la cour, il l’avait pas dit Rodney]. Sous les arbres [(Cibidi :) Très bien les arbres]. La terre s’est mise à onduler comme une feuille de papier que le vent emporte [(Cibidi :) Ouah, bien !!]. Bruits sourds des immeubles en train de s’agenouiller [(Cibidi :) Joli !!]. Ils n’explosent pas [(Cibidi :) Ah ?]. Ils implosent, emprisonnant les gens dans leur ventre [(Cibidi :) Jésus-Marie !]. Soudain, on voit s’élever dans le ciel d’après-midi un nuage de poussière. Comme si un dynamiteur professionnel avait reçu la commande expresse de détruire une ville entière sans encombrer les rues afin que les grues puissent circuler.


Alors que la Vie « avait semblé reprendre son cours »...

Dany Laferrière observe par ailleurs qu’« une secousse de 7,3 n’est pas si terrible [Le goudou-goudou n’était donc pas « si » monstrueux...] On peut encore courir. C’est le béton qui a tué. Les gens ont fait une orgie de béton ces cinquante dernières années. De petites forteresses. Les maisons en bois et en tôle, plus souples, ont résisté. Dans les chambres d’hôtel, souvent exiguës, l’ennemi c’est le téléviseur. On se met toujours en face de lui. Il a foncé droit sur nous. Beaucoup de gens l’ont reçu sur la tête. » Rodney Saint-Eloi relate quant à lui ainsi la première nuit après la titanesque secousse suivie de multiples répliques : « Je ne sais pas si j’ai dormi ou non. La dame à côté de moi m’annonce que j’ai ronflé toute la nuit. On était deux, semble-t-il, à ronfler et à remplir le court de tennis, qui sert d’abri aux clients de l’hôtel [Karibe] et aux habitants du Juvénat, le quartier riche de Pétionville. Moi, j’ai seulement su que la nuit avait été très longue, entre les quarante-trois secousses, les cris des agonisants et les prières provenant de l’autre flanc du morne. » Cet « autre flan », si c’est bien celui dont j’ai souvenir, la fenêtre de la chambre du Karibe que Manno et moi avons occupée donnait dessus. Les misérables constructions d’un immense bidonville s’y étalaient, les unes au-dessus des autres, sur des centaines de mètres. Elles ont dû s’écrouler comme un château de cartes, quand la montagne a violemment convulsé, et se transformer en une avalanche de débris. La plupart des personnes qui s’y trouvaient ont certainement péri. J’avais observé quelques instants, depuis la fenêtre de la chambre, les femmes et les hommes qui s’y rendaient et en sortaient, franchissant les portes de ce quartier du Quart-Monde, à deux ou trois cents mètres sur la route après celles de l’immense et luxueux hall de l’hôtel et lieu de villégiature des riches où je me trouvais. J’imagine ces gens que je voyais devenus des fantômes...[22]

« L’hôtel Montana est complètement détruit [le Karibe, lui, a bien tenu], raconte encore Saint-Eloi, ainsi que le Palais National[23] et tous les édifices publics. [...] Dans les villes de province, la catastrophe est indescriptible. Léogâne est sur la faille. Il ne reste plus rien. Jacmel est frappée de plein fouet. [...] À Delmas 29, l’université Caraïbes est à plat. » Dany Laferrière : « On me pointe du doigt le Caribbean Market toujours fourmillant de clients à cette heure. Mon cœur se serre à les imaginer sous cet amoncellement de pierres. Les gens moyennement fortunés passent, en sortant du travail, s’approvisionner ici. C’est là qu’ils échangent les potins du jour, profitant surtout de ces rencontres fortuites pour se lancer des invitations de toutes sortes. Le Caribbean Market était devenu la plaque tournante dans la vie de cette petite bourgeoisie qui a bourgeonné, dans le coin, au cours de ces vingt dernières années. »

Mais la vie !! La vie !! La vie !! Dany Laferrière, juste après « La Minute », intitule un chapitre « Déjà, la vie ». Il dit une lueur pour Haïti, mais il parle de celle qui semblait poindre... avant que le pays ne soit frappé par cette nouvelle calamité, la plus apocalyptique imaginable. La vie !! La vie !! La vie quand-même !! La lumière, qui commençait à se lever, et qui brillera bientôt de plus belle de nouveau :

La vie semblait reprendre son cours après des décennies de turbulence. Des jeunes filles rieuses se promenaient dans les rues, tard le soir. Les peintres primitifs bavardaient, avec les marchands de mangues et d’avocats, au coin des rues poussiéreuses. Le banditisme semblait reculer d’un pas. Dans les quartiers populaires, comme le Bel-Air, le crime n’était plus toléré par une population exténuée qui a tout connu durant ce dernier demi-siècle : les dictatures héréditaires, les coups d’État militaires, les cyclones à répétition, les inondations dévastatrices et les kidnappings à l’aveuglette. J’arrivais pour ce festival littéraire qui devait réunir, à Port-au-Prince, des écrivains d’un peu partout dans le monde. Cela s’annonçait excitant car, pour la première fois, la littérature semblait supplanter le discours politique dans la faveur populaire. Les écrivains étaient invités à la télévision plus souvent que les députés, ce qui est assez rare dans ce pays à fort tempérament politique. La littérature reprenait sa place. Déjà, en 1929, Paul Morand notait, dans son vif essai Hiver caraïbe, que tout finissait, en Haïti, par un recueil de poèmes. Plus tard, Malraux parlera, lors de son dernier voyage à Port-au-Prince, en 1975, d’un peuple qui peint. On cherche encore la raison d’une pareille concentration d’artistes sur un espace aussi restreint. Haïti n’occupe que la moitié d’une île [(Cibidi :) Même pas !], qu’elle partage avec la République dominicaine [(Cibidi :) Autrement « développée », certes, mais qui n’est que capitalisme sauvage.], dans la mer des Caraïbes.

Longue et belle VIE........... Ayiti chéri !!!.............

  1. Haïti
  2. « Éouchkaldoun » : Basque
  3. Charles-André Julien, préface de Toussaint Https://www.huffingtonpost.fr/leah-pisar/la-tempete-parfaite_b_2049142.htmlre, par Aimé Césaire, éd. Présence Africaine
  4. « Haïti : De la traite à la dette. L’île des Antilles n’est pas endettée, elle est créancière. C’est la France qui lui doit de l’argent. Explications de Jérôme Duval, du CADTM » (Politis, septembre 2017, https://www.politis.fr/articles/2017/09/haiti-de-la-traite-a-la-dette-37581/).
  5. « Kimbé la » : « tenir bon », « tiens bon », « tenez bon », etc. En Guadeloupe : kenbé rèd. Ou encore : kenbé rèd pa moli (tenir bon, pas mollir). En plus fleuri : si pa rèd pa pé rentré (si ce n’est pas dur ça ne peut pas rentrer).
  6. Éd. Michel Lafon
  7. Politis n° 1620, du 24 au 30 septembre 2020, p. 6-7 : « L’illusion technique est une manière de ne pas penser la racine des problèmes » : quel scoop ! « Les prosélytes du capitalisme numérique se considèrent comme les héros de la modernité, capables de tout résoudre avec leurs outils. » [...] [Alors qu’à l’instar de M. Conar, ils sont les dignes] « représentants du vieux monde, dans son plus pur classicisme ». « Les pro-techno vantent l’avènement des voitures sans pilote, des robots chirurgicaux, de la traduction simultanée, etc. » Au secours !! Mais ça n’arrivera pas. Ce n’est pas le MD2.0 mais le MD3 qui nous attend.
  8. Un ami de mon doudou
  9. « Karibé »
  10. Éd. Arléa
  11. Dans un quasi ultime repassage
  12. Pointe-à-Pitre – Port-au-Prince, Port-au-Prince – Pointe-à-Pitre
  13. Trou damapute à propos de cette expression, danqu tipasse, baparita, en haut de la liste des résultats : « The Perfect Storm. La tempête parfaite. Cette fois, la réalité a dépassé la fiction. L’expression a été inventée par le romancier américain Sebastian Jünger, dans son bestseller de 1997, The Perfect Storm: A True Story of Men Against the Sea. Ce livre relate l’histoire (vraie) d’un ouragan, d’une dépression et d’une tempête qui se sont abattus ensemble sur l’Océan Atlantique au large du Massachusetts, en octobre 1991, donnant lieu à un cataclysme et engouffrant notamment un bateau de pêcheurs qui s’était aventuré trop loin en haute mer. On se souvient de George Clooney dans le rôle du beau capitaine au destin tragique, dans le film du même nom. L’étymologie de cette expression a beau être météorologique, son usage est devenu totalement politique. Cette métaphore [...] désigne, dans le langage courant américain, une aberration, où toutes sortes d’éléments disparates et improbables s’associent pour produire un bouleversement jamais vu auparavant. Sandy [tiens !] a tout surpassé, se transformant en une double tempête : l’ouragan lui-même, avec toute la dévastation qu’il a entrainée de Haïti jusqu’au Canada ; et les conséquences politiques provoquées, alors qu’il frappait la côte est des États-Unis, de plein fouet, à une semaine du scrutin présidentiel*. Cette tempête a profondément changé la donne. Alors qu’il y a une semaine ou deux on pensait que tout reposerait sur la performance des deux candidats [Barack Obama et... Joe Biden !], dans les débats télévisés, ces prestations sont déjà lointaines dans l’esprit des électeurs américains. » (Huffpost, 31 octobre 2012, https://www.huffingtonpost.fr/leah-pisar/la-tempete-parfaite_b_2049142.html) [*J’ai écrit la veille, entre autres incroyables télescopages ici, encore, dans mon laïus sur « l’élection-catastrophe » de 2016 : « La prochaine élection a lieu dans... 11 jours. » Je précise, enfin, que je n’avais aucune idée de l’origine de cette expression – du moins l’avais-je complètement oubliée – quand elle m’est venue à... l’esprit.]
  14. Lionel-Édouard Martin, Le Tremblement. Haïti, 12 janvier 2010
  15. Manno n’a pourtant pas dû s’y prendre, pour la réservation, plus de quelques jours à l’avance. Je me demande même si on ne s’est pas pointés sans réserver...
  16. Ce 1, 2, 3 me dit quelque-chose... Ah oui, et ça se passe aussi avec mon Haïtien, dix ans plus tard : « Le prix du billet de Manno pour le seul train qui n’était pas complet, à l’aller comme au retour, entre Paris et Baiona : 123 euros. Avec 1, 2 et 3 dedans comme les dates des trois jours de l’Ama-1/Xab-50, les 1er, 2 et 3 novembre. »
  17. C’est Bibi qui dit.
  18. Mais des bourges très bien ceux-là, humanistes et militants des droits humains.
  19. Même les militaires n’arrivent au bout de rien ! Pauvre Haïti.
  20. Dany Laferrière, éd. Le Livre de Poche. Pages... 11 et 12.
  21. Aucune notion du temps que peut durer un tremblement de terre ! C’est comme Manno avec les vents des ouragans. Je blague, c’est lui qui avait raison. Mais j’avais raison aussi. Bref, une minute pour un séisme c’est trop. Plus le phénomène est monstrueux plus il dure, mais une minute, mon Dieu, non, quand-même. C’est Rodney qu’a bon : il a duré trente-cinq secondes. C’est déjà érnoooooorme ! [Le temps… d’un tremblement… Puis s’écoulent 15 ans… exactement… (alala-dépadadoudage) : le 11/1/25 j’ai baisé un Haïtien (grindrien). L’antithèse, cependant, de mon Apollon d’an tan lontan. Effondrement. Je m’approche du zéro mais dès que j’y serai, je rebondirai. C’était le 12, le tremblement. Mon 12-Renaissance. 2-1-0-1-2. Ça fait un V. De Vie. De Victoire. Sur ma mie.]
  22. Nudanlac : 666... J’ai relevé, apata, le constat de Dany Laferrière sur ce qui s’est avéré les constructions les plus dangereuses. Alors si même sur les flancs des mornes les abris de fortune l’ont finalement été au sens propre du terme et que j’ai imaginé des fantômes où il n’y en avait pas... tant mieux, deux cents mille fois tant mieux... Mais plus de deux cent mille, ils sont plus de deux cent mille...
  23. « Fierté des Haïtiens et symbole de l’indépendance du premier État noir, le palais construit, entre 1914 et 1921, par l’architecte haïtien Georges Baussan, avait résisté à un bombardement, des assauts armés et un grave incendie » (La Presse, 3 octobre 2020, https://www.lapresse.ca/international/dossiers/seisme-en-haiti/201004/09/01-4268852-les-bulldozers-demolissent-le-palais-national-de-port-au-prince.php)