Chapitre 66 – On est bien, tout va bien (suite)

De Xavier Renard
Aller à la navigation Aller à la recherche

« Tu avais dit que quelque-chose d’énorme arriverait... » Oui, mais je pensais plutôt à... tu sais... les Miracles... Angelu : « Aha ! Qui te dit que ce n’est pas le début ?... »

« Tu avais dit que quelque-chose d’énorme arriverait. C’est peut-être ça ! », m’a écrit Sarah à propos du coronavirus. J’attendais, au tournant de ma cinquantaine, rien moins que la survenue des SM 3 & 4. Le SM3 a commencé, avec ce virus qui a mis le monde à genou, révélant avec force toutes ses tares, dont l’humanité n’a plus d’autre choix que de se débarrasser. Voici comment, personnellement, j’ai basculé dans le monde d’après, ainsi que je l’ai raconté dans mon lajampa intitulé « Sabine héroïne ! » :

Au téléphone avec Manno, dimanche dernier, alors que nous nous entretenions, je vous le donne en mille, du cerveza[1]-virus (oui papa, la Corona c’est une bière, si ça peut t’aider à retenir le nom de l’ennemi), nous en sommes venus à parler des personnels médicaux, ce qui a provoqué en moi ce cri du cœur : « C’est des héros, comme ceux qu’on envoie au front en temps de guerre ! » C’est bon en tout cas de dire à celles et ceux qu’on aime : BRAVO !!!
Et toi mon Manno? Tiens, tiens, mais c’est que toi tu rimes avec héros ! Pas mal ça encore. Héros pas héros, en tout cas pour celles et ceux qui, dans leur travail, continuent, comme toi, de s’exposer à tout un tas de personnes, ça craint quand-même du boudin. Dimanche, tu étais à Orly. Tu devais reprendre l’avion pour Pointe-à-Pitre le lendemain. Nous avons évoqué le service que toi et tes collègues effectuez à bord, disant qu’il devrait être supprimé. Nous nous sommes reparlé le soir, et y ayant réfléchi entre temps, je t’ai dit que j’espérais que tu ne le ferais pas, qu’il était scandaleux que votre direction n’ait pas décidé de vous en dispenser, que c’était criminel ! Alors que je faisais encore la bise à un mec, le matin, je m’étais transformé, le soir, en furieux anti-virus. N’empêche que la direction d’Air Caraïbes a en effet décrété, le lendemain, que vous distribueriez uniquement des sandwichs, désormais, aux passagers. Les vols touristiques sont maintenant suspendus, bien sûr, et partout les avions, comme ici, rapatrient les touristes dans leurs pays. La directive est pour vous, m’as-tu dit, que vous devez vous tenir à la disposition de la compagnie.
En même temps que le caractère insensé de ce geste à haut risque non essentiel consistant à servir des plateaux-repas aux passagers, dans l’avion, m’explosait à la figure, je réalisai à quel point il était dingue que l’on n’eût pas « tout arrêté » depuis longtemps. Dimanche un médecin expliquait à la télé que chaque jour que nous attendrions encore pour nous confiner signifierait des dizaines de milliers de morts potentiels supplémentaires. Combien sont déjà morts et mourront du fait du manque d’anticipation et de réactivité des autorités ? Et tu as répondu, Sabine, à ma question de savoir si vous arriviez à disposer de masques en permanence, à l’hôpital de Baiona : « Pour le masque quel BORDEL... Si je ne vois pas de patients pas de masque (nouvelle directive) » Concluant que ce serait le « futur scandale sanitaire du Covid ».
Le garçon que j’ai embrassé, dimanche, c’était Jean-Marc, un pote guadeloupéen, que je croise de temps en temps, mais sur la plage de Bas du Fort, en bas de chez moi, c’était bien la première fois ! C’est lui qui s’est penché vers moi pour me faire la bise, ce qui m’a... quelque peu perturbé. J’en avais fait une quelques heures plus tôt, à Claudia, barmaid-hôtesse de l’hôtel de la plage qui avait encadré Manno (il y a... ouïe, ouïe, ouïe, une vingtaine d’années...), à l’hôtel du Marisol, où il avait été stagiaire. Rasé et remplacé depuis par la résidence du même nom.
Résidence sortie de terre il y a donc de cela... ouïe, ouïe, ouïe, 13 ans déjà, et à l’érection de laquelle, du haut de notre résidence en surplomb, nous avons assisté. Notre résidence, qui n’est pas « les pieds dans l’eau », et à la merci des ouragans et tsunamis comme le Marisol, un concept par conséquent aussi sympa que pas sympa. Elle est aussi, la nôtre, autrement solide. Du carton-pâte, le Marisol, je vous le dis, l’ayant donc vu se construire. Alors le jour où on va prendre une Irma, ou une Caramba Corona, bonjour les dégâts. C’est Stef qui m’avait annoncé, alors que nous nous trouvions chez lui, à Paris, et que l’ouragan Irma venait de ravager Saint-Martin, le lisant sur Internet, que ce monsieur-dame avait soufflé à des 400 km/h. Je n’en suis pas tombé de ma chaise mais sur son canapé. Que d’événements dignes de films de science-fiction, décidément, depuis les tours infernales de New York, au tournant du troisième millénaire !!! Que de sensations !!!
La bise à Claudia, c’est la toute dernière que j’ai administrée sans me méfier, comme avant le jour d’après. Mais pour me sentir un peu mal à l’aise dès les premiers mots de la conversation qui s’en est suivie, sur le méchant virus bisû, me disant de moi-même : « Mais quel con ! » Et que n’ai-je eu le malheur de moucher légèrement mon nez, dans ma cuisine, il y a une dizaine de jours, en présence de deux entrepreneurs venus remplacer mon cumulus. « Vous n’avez pas le corona, au moins ? », m’a lancé l’un d’eux qui s’était retourné aussi sec.
Leur indiquant de surcroît que je n’avais plus d’eau chaude depuis le mois d’octobre et que ça commençait à me manquer, même si je m’en étais fort bien passé, bien que... parti deux mois, l’un deux s’est exclamé : « Vous êtes parti ?! » « Oui, en Inde. » « Quoi ??? » Mais je les ai rassurés, dégainant mon test du cocina. T’as qu’à croire. Je leur ai expliqué que mon nez avait toujours coulé, que c’était de l’allergie, tout ça, et que je n’avais pas la cucaracha. Mais qu’en savais-je après tout ? Qui savait quoi ? Quelle folie donc en effet déjà que de continuer, ainsi, de se côtoyer. « Tais-toi Will, et bosse », ai-je dit à Franky le plombier. Il s’appelait Franky, mais il ressemblait à Will Smith. De visage. Le reste ça n’était pas vraiment ça. Et d’ajouter, pour l’encourager : « Vas-y Franky c’est bon ! »
Mais rien à craindre, en Gwadloup, car comme Ouriel mon voisin de palier l’a déclaré : « On s’en fout, le virus, ici, il s’évapore. » Blague à part, il y a cette rumeur comme quoi le virus ne résisterait pas bien à la chaleur... Vérification sur Internet : je lis effectivement qu’« il serait aussi anormal que le corona se répande l’été que la dengue en plein hiver ». Ah ça, la dengue ! On était rouges dans le classement des zones, à Bas du Fort, à l’époque de l’épidémie, heureusement enrayée depuis. [Mais, six mois plus tard : c’est reparti ! C’est vraiment la fête aux virus !] Très sympa comme expérience il paraît aussi, avec les symptômes d’une énorme grippe d’ailleurs également.
Entrevue avec Aline, hier matin, depuis ma terrasse. « Vas plus à la plage ! », me dit-elle. « Ah non, merde ! » Et Aline de déclamer : « Onze mille contraventions hier ! » [en France]. Soit dit en passant, il a fallu que je me poste à la rambarde de ma terrasse à l’instant où sa voiture, dans la pente entre l’entrée de la résidence et mon immeuble, s’est arrêtée au niveau de chez France pour la klaxonner. Sans que celle-ci ne se soit montrée. « France est rentrée ? », l’ai-je questionnée après qu’elle s’est garée à sa place devant mon appartement un étage plus bas. « Oui, mais chut, je ne t’ai rien dit. » « Non mais je sais, lui ai-je dit, je l’ai récemment eue au téléphone, elle m’avait dit qu’elle rentrerait [... de France !] dès que possible. » (Passage sans intérêt, désolé, c’est pour mes notes MDMBP.)
Il avait été question juste avant, à la radio, des forces de l’ordre et des gens qui « vont encore à la plage ». Aïe... Mais c’était à propos de Nice, et de la promenade des Anglais où, disait la journaliste, il y avait encore trop de monde. Ah ! ai-je pensé, en ville c’est sûr c’est un problème, mais ici ça va, on est moins nombreux. Sur ma playa en tout cas, la veille, bien que largement désertée, certains étaient encore par deux, trois, quatre, tout près les uns des autres, sur le sable et les transats. Et autour de la piscine de l’hôtel. Aberrant. Mais je me disais que c’était peut-être notamment des gens qui vivaient ensemble chez eux ou séjournaient dans une chambre d’hôtel, et donc de toute façon contraints de se côtoyer... Je me figurais quant à moi ne courir et ne faire courir aucun risque, n’approchant personne bisû, poussant le tourniquet de l’entrée de la plage avec le pied, et me retournant à chaque pas pour asperger le sol avec mon distributeur de vinaigre blanc.
Je me disais qu’il y avait confinement et confinement, entre celles et ceux, en ville, pour qui ça ne devait vraiment pas être rigolo, et d’autres comme moi qui pouvaient continuer de s’adonner à un peu de natation et autres exercices, tous les jours, dans un décor idyllique. Mais la chape s’était manifestement alourdie, hier matin, et quand Aline m’a dit « plus de plage », j’ai pressenti que celle-ci s’était vidée. Je n’y étais pas allé la veille car il avait plu, et je suis descendu voir, dans l’après-midi, ce qu’il en était vraiment. Elle était effectivement devenue totalement déserte, sans plus un pelé sur le sable – les transats de la plage et de la piscine avaient tous été empilés –, ni dans l’eau. La police avait dû débarquer partout, Manno m’ayant effectivement narré, au téléphone, leur intervention à la plage de Petit-Havre près de chez lui.
Il n’y avait donc plus que quelques marcheurs et coureurs, sur la plage et dans la rue, dont un que j’ai entendu dire : « Le paddle est interdit. J’en ai fait hier, j’ai vu deux paddles se faire interpeller par les flics. » J’ai quant à moi vu un foil dans l’eau, avant-hier, d’un genre que je ne connaissais pas. J’ai même voulu le prendre en photo mais il s’est comme volatilisé, s’arrêtant net à un endroit où je ne pouvais plus le voir. On aurait dit l’apparition d’un ultime et nouvel engin nautique avant, justement, que tout ne disparaisse de la surface de l’eau. Tout et tout le monde avait disparu, y compris les handicapés comme moi qui ne faisaient plus que nager, mais ça n’était déjà pas mal.
Pour finir, et détendre encore un peu l’atmosphère, ce mail que je t’ai envoyé, Sabine : « Papa m’a dit que tu avais encore des douleurs dues à ton... cardio-virus ! [Une péricardite qu’elle avait contractée.] Il m’a aussi précisé, trébuchant sur le mot coronavirus, qu’il avait besoin de passer par… “coronaire”, pour s’en rappeler ! C’est vrai que le nom m’avait fait penser à ton truc. T’es immunisée alors ! Humour, j’ai bien compris que ça n’avait rien à voir. » « Quel jeu de mot !!! », m’as-tu répondu. Je me doutais bien que tu n’y goûterais qu’à moitié. Alors essaie plutôt la Corona, je te la recommande, bien fraîche avec une tranche de citron vert.
À la tienne Sabine, et à la nôtre !


Le volcan, les ouragans... Maria... mais ouf !!! l’Œil n’est encore pas passé en Gwada !!!

Dans la double poudrière guadeloupéenne, sociale et volcanique[2], les calamités environnementales et climatiques potentielles ou avérées ne manquent pas. Un matin, après avoir rêvé de tsunami, dans la nuit – avec mort imminente juste avant laquelle on se réveille –, j’ai allumé la télévision pour écouter la radio, via le câble, tombant sur une scène... de tsunami, dans le film de catastrophe étasunien « San Andreas Fault », où un couple de personnes âgées, attendant d’être englouti, se prend dans les bras. Je suis allé marcher dans mon quartier, l’après-midi, et en passant par la plage j’ai constaté qu’un panneau avec consignes en cas d’ouragan, de tremblement de terre et de tsunami venait d’être installé[3], juste après le portique d’entrée. Côté ouragans, le dernier à avoir frappé la Gwadloup de plein fouet, en 1989, s’appelait Hugo : un anti-Hugo, en quelque sorte, car aussi redoutable que mon adorable neveu ne l’est pas. Les tempêtes ont naturellement succédé aux tempêtes, depuis, l’île ne subissant toutefois au pire que le front avant des ouragans qui ont défilé, toujours à au moins plusieurs dizaines de kilomètres au large cependant, causant souvent des dégâts, mais rien de comparable avec ceux provoqués par mon neveu... euh... l’ouragan de 1989.

Je me suis entretenu avec ma voidudue Annick, en septembre 2016, sur une question qui commençait à sérieusement me tarauder : le fait que son appartement fût dépourvu de volet roulant anticyclonique. Sa propriétaire, selon Annick, ne déniait jamais entreprendre les travaux nécessaires. En plus de l’absence de ce dispositif dont je pensais alors qu’il était même obligatoire, sa baie vitrée, m’a-t-elle expliqué, n’était pas totalement hermétique, et par temps de fortes pluies l’eau pénétrait dans son appartement. Annick, qui cherchait à déménager, a rapidement trouvé un autre appartement, après notre conversation, dans la résidence. J’étais résolu à contacter l’inconséquente et à la sommer d’installer un volet anticyclonique sans lequel la prochaine furie du ciel aurait raison non seulement de son appartement mais également du mien, que l’eau qui s’engouffrerait dans le sien ravagerait alors immanquablement. Peu après, l’ouragan Matthew est passé. Mais l’œil du cyclone a encore une fois fort heureusement épargné la Gwadloup, qu’il a tout de même sacrément secouée. Causant cependant les dégâts les plus importants en Matinik et, surtout, dans la maudite Haïti, où plusieurs centaines si ce n’est milliers de personnes ont perdu la vie.

Il a également balayé la République dominicaine, Cuba et la côte est des États-Unis. Je suis monté voir la propriétaire de l’appartement d’Annick, qu’elle avait donc libéré, entre temps, un jour où elle s’y trouvait. Je lui ai parlé du volet anticyclonique et, eurêka, elle m’a déclaré que son installation était prévue ! Quel jutard, quand les travaux de rénovation de l’appartement, après le départ d’Annick, ont commencé, au bruit persistant d’une perceuse je suis monté me renseigner sur le temps que devraient durer les travaux. Pas pour me plaindre, juste pour savoir. La sœur de la propriétaire était là. Nous nous sommes mis à discuter. Très cordiale, elle m’a demandé : « C’est vous qui avez parlé à ma sœur du volet anticyclonique ? » « Regardez ! », a-t-elle ajouté, appuyant sur le bouton de la commande du volet qui venait d’être installé pour le baisser. AllélUUUia !!![4] Et ce, le lendemain de la venue d’un entrepreneur, chez moi (ça n’arrive – heureusement – pas tous les quatre matins), pour réparer mon propre volet, qui s’était mis à dégoiser !

Quand j’ai appelé mon généraliste, upululu jacta, pour la première fois depuis de longs mois, celui-ci m’a annoncé qu’il venait de réintégrer, au bout de deux ans, son cabinet de Bas du Fort qui, comme celui de ses collègues du même centre médical, avait été ravagé par Maria. « Vous êtes le plus beau cabinet que j’ai jamais vu ! », avais-je déclaré, il y a quelques années, à un de ces derniers (que je nommerai « D2 », le docteur 2 ; le « D1 » : l’habituel). Ce n’était pas un médecin en forme de cabinet mais j’exprimai ainsi, dans une synecdoque, consistant à désigner la partie (le médecin) pour le tout (son cabinet), mon enthousiasme à la vue de sa vue, sur la mer, derrière sa baie vitrée. « Vous vous êtes battus, avec vos collègues, pour l’avoir ? », lui ai-je aussi demandé. Car celui de D1 était deux fois plus petit, dépourvu de toute ouverture, et de toute façon pas côté mer. Son chanceux confrère était comme dans un bateau, quasiment sur l’eau. C’était très beau, mais quand Maria a soufflé, sa trop grande proximité avec la mer n’a pas pardonné. Maria ? L’ouragan de catégorie 5, comme Irma, l’Armageddon de Saint-Martin, qui lui a succédé, en octobre 2017, une semaine après.

« Ça a du bon, les ouragans ! », ai-je déclaré à D1, le jour de mon rendez-vous, en m’installant en face de lui... dans le même fanta-cabinet désormais que D2, à droite du sien. Le centre médical, attenant à une pharmacie, était passé d’une construction miteuse à l’image de tant d’édifices de ce pays à un lieu propret au hall d’attente stylé et coloré. « Peut-être, mais j’ai pas mal dégusté en attendant, pendant deux ans, à Raizet », s’est lamenté D1. Je l’avais vu en consultation, la fois précédente, dans un quartier glauque à souhait de HLM de Lapwent en effet, dans un cube de béton plus laid et décrépi encore que l’ancien de Bas du Fort. Je lui ai raconté comment je m’étais interrogé, à l’adresse de D2, (bien) avant l’ouragan, quant à la différence... de décor d’un cabinet à l’autre. D1 m’a expliqué avoir tardé, dans les anciens locaux, à se décider, et s’être un peu « fait avoir ». « Mais quand êtes-vous revenu ici, alors ? », l’ai-je questionné. Cela faisait à peine quinze jours ! Puis mon généraliste ne s’est-il pas mis à son tour à me raconter une histoire… de volet roulant ?! Dont il déplorait qu’il ait été installé… à l’intérieur !!! La vitre, dehors, se retrouvant ainsi sans protection !!! Mais que n’aura-t-on pas vu et entendu, en ce bas monde ?... « Ils n’ont pas vu les vagues, le jour de l’ouragan », a-t-il poursuivi. « J’étais là, moi, à récupérer le matériel, elles arrivaient jusqu’ici », a-t-il ajouté en désignant, de sa main, le niveau auquel elles étaient parvenues, depuis la paisible surface bleue scintillante, comme ce jour-là, de l’anse de Bas du Fort, à six ou sept mètres en contrebas.

Le monstre Maria m’avait vraiment donné des sueurs froides, car il fonçait droit sur l’île, et le chaos décrit par mon toubib n’était que l’effet indirect de l’œil du cyclone, à plusieurs dizaines de kilomètres. Auquel la Gwadloup, une fois de plus, avait donc finalement échappé. J’ai eu très chaud, et pourtant j’étais loin, dans mon Euskadi, pour le mariage de Christelle et Gilles et de Maia et Denis ! C’est un voisin de Denis, à Hazparne, chez qui je travaillais à peindre un abri dans le jardin (chez Denis, pas chez le voisin quand-même), qui m’a apporté la nouvelle rassurante entendue par lui à la télé de la bifurcation de l’ouragan, au dernier moment, au large de la Gwadloup, et de vents ayant soufflé... à cent-soixante kilomètres à l’heure. « Ouf !!! Ça va !!! », ai-je allélUUUié. Encore une grooosse tempête, mais pas l’œil !!! J’ai eu très peur en effet, jusqu’au bout, pour la maison en bois de Manno, en pleine construction, qu’il[5] aurait emporté comme un fétu de paille. J’ai été frappé, à mon retour, par la quantité d’arbres abattus. Un vieux ponton en bois de la plage de Bas du Fort, qui devait dater de plusieurs décennies, brinquebalant mais qui, jusqu’alors, avait résisté, avait disparu. Pas une perte, car il ne servait plus à rien et c’était une de ces verrues dans le paysage.

Sur un autre ponton de la plage en béton celui-là, au centre du bassin, qui partait du bord, un gros cylindre en dur également, incrusté à sa surface et qui avait dû contenir, en son temps, de la terre et un arbre, avait été arraché. Denis et Maia venu-nue (ils sont très...) pour leur voyage de noces ont découvert avec moi, dans la forêt (... bois), l’ampleur des dégâts. Le spectacle des arbres couchés, de tous les côtés, dont certains vraisemblablement multicentenaires, était impressionnant. Et le temps, à Hazparne ? Sublime, pour le week-end du mariage, grâce… à l’ouragan Ophélia ! Oui, un ouragan, au même moment, en Irlande ! Et qui a dû aspirer tous les nuages à lui ! Christelle et Gilles se sont donc mariée-ré un mois avant, quelques centaines de mètres plus loin. Mais ielles n’ont pas eu cette chance, subissant au contraire une météo exécrable. « On dit “mariage pluvieux, mariage heureux”, mais le mien, il n’a même pas été heureux !!! », m’a récemment dit Christelle au téléphone, riant de son malheur, après s’être séparée de Gilles. La tempête a en effet soufflé... sur les deux couples, qui ont malheureusement volé en éclats, l’un comme l’autre, à peine deux ans après.[6] Dans le cas de Denis et Maia, un aspect propre aux familles recomposées, souvent délicat, en l’occurrence l’arrivée du beau-papa dans la vie de Swani qui entretient, avec sa mère, une relation assez fusionnelle, n’a pas été pour faciliter celle du couple...


Les tremblements de terre, les tiramisus... euh... tsunamis, les algues des Sara... euh... Salgarses... euh... Sargasses, la brume de sable du Sarah... euh... Sahara..., à part ça tout va

Côté terre, ça a frémi à environ six reprises, dans les Caraïbes, quand je m’y trouvais, depuis que j’y vis. Un séisme majeur, dans la région, selon les scientifiques, serait imminent. Soit, à l’échelle géologique, dans un délai compris entre immédiatement et dans cinquante ans. Après que la terre a légèrement tremblé deux fois en quelques jours, dans le courant de l’année 2016, les actualités ont brui, à la télé, du séisme ravageur de la vallée du Tronto, en Italie, et d’un exercice d’envergure mené auprès des populations en Californie en vue de leur Big One[7]. Dans le monde parallèle de mes rêves, un séisme aussi, la nuit précédente, s’était produit. Tout comme en Matinik, mais en vrai, le 29 novembre 2007, d’une magnitude de 7,3 sur l’échelle de Richter. Le plus important depuis plusieurs décennies (plus violent encore que celui de 2004), de magnitude 6,3, il a heureusement eu lieu à une très grande profondeur, et a causé peu de dégâts et la mort d’une seule personne âgée qui a succombé, sous le choc, dans une maison de retraite, à un malaise cardiaque. La secousse a atteint la Gwadloup. J’étais chez moi. J’ai senti une vibration, comme quand quelqu’un gare sa voiture dans un des deux garages en dessous de mon appartement.

Sauf que je n’avais pas entendu de voiture arriver. J’ai voulu... positiver, m’en tenant à cette version. Mais il ne faut surtout pas, dans ces cas-là ! Il faut réagir, sans perdre une seconde et trouver, dans l’appartement, l’abri le plus solide, sous une table, un bureau... Et ne pas tenter, en fait, de sortir. Ce que j’ai appris moi-même, damapute, à l’occasion de la rédaction de ce passage ! C’est dire si la sensibilisation et la préparation des populations, dans la perspective de ce type de désastre, sont correctement effectuées ! Au lieu de quoi j’ai attendu que ça passât, me décidant cependant, au bout de quelques secondes, à aller voir sur ma terrasse ce qui se passait dehors. Des voisins-zines s’étaient attroupés-pées, sur le parking devant mon appartement. « C’est quoi ? », les ai-je interrogés. « Un tremblement de terre… » Alors je suis sorti aussi. Une jeune femme qui habitait au dernier étage d’un immeuble derrière le mien, sur le morne, était très choquée, car en hauteur ça avait beaucoup secoué.

Lors d’un séjour avec Manno à Fòdfrans[8], la capitale matinikèz, pendant le carnaval, le bruit a couru autour de nous que la terre venait de trembler. Mais nous n’avions rien senti. Même topo à Costa Rica. J’y avais accompagné Manno sur un vol avec escale dans ce pays, où nous avons uniquement passé vingt-quatre heures dans sa capitale de San José. Nous nous promenions à bord d’un taxi, quand notre guide nous a annoncé qu’un léger séisme venait de se produire. Dommage, là encore, pas de frisson, car nous n’en avions rien perçu non plus. Dans une traduction de l’espagnol au français, j’ai écrit, peu après ce crochet par le Costa Rica : « Pays étudiés : Guatemala, Honduras, Nicaragua, Costa Rica, El Salvador et Panama. » Aucun travail ne m’avait été soumis dans cette langue depuis longtemps. Je traduis l’espagnol et l’allemand, en plus de l’anglais, depuis quelques années, mais en espagnol les demandes sont rares (l’allemand représentant en revanche une part de plus en plus importante de mon activité). Le nom d’Henri Costa Rica, qui n’existe même pas, au moment où j’ai tapé « Costa Rica » a été prononcé à la radio. En vrai : ce n’était pas ce nom-là. Alors quel nom avec quel pays dedans ai-je bien pu entendre à la radio ?[9]

Entre le ciel et la mer, le menu est d’une grande richesse, mais au resto « Entre ciel et mer » de la plage de La Datcha à Gozyé, on ne sert plus. Dommage, car Manno évé mwen étions de fervents adeptes de ce fameux endroit, pour sa carte et son panorama, auquel quasiment pas un-une de nos lagunak et autres Gagaditutus-tues de France et de Navarre n’a coupé. Il n’a malheureusement jamais réouvert, après avoir copieusement dégusté, avec Maria, comme toutes les constructions du bord de mer. Des affaires à n’en pas douter par ailleurs suffisamment fructueuses des membres de la grande famille de pêcheurs propriétaire des lieux n’ont pas dû les inciter à se dépêcher de relancer ce commerce pourtant, vu la fréquentation, on ne peut plus juteux. Dans le ciel également : du sable. Les ouragans, c’est gratiné, on connaît, mais la nature nous concocte par ailleurs régulièrement cette spécialité originale de la brume causée par le sable venu du Sahara, autre article de l’infini catalogue de phénomènes naturels. Mais un phénomène aggravé, dans les pays d’où il provient, par « l’activité humaine, l’érosion et la salinisation induites par la déforestation, l’usage du feu, la destruction de nombreuses zones humides, la surexploitation des ressources en eaux superficielles et l’agriculture intensive basée sur le labour »[10].

Dans l’eau : des milliards de mètres cubes d’algues. Première sortie de la journée sur ma terrasse il y a quelques années : la mer s’était soudain sentie obligée, comme s’il eut été concevable que l’on se lassât de ses tons, nuances et autres reflets – je n’ose écrire « habituels », pour qualifier cet objet d’émerveillement permanent –, d’inventer une nouvelle couleur. Alors que ni elle ni le ciel, en réalité, d’un jour sur l’autre, ne sont jamais les mêmes. Ce dernier m’a encore récemment sorti une espèce de nuages en stries et filets d’une telle beauté et délicatesse ! Les Zeus-Zeuses et Poséidons-donnes, malgré tout, ont dû craindre d’avoir fini de surprendre. Et Ielles ont dégainé l’orange. D’immenses tâches de cette couleur recouvraient, ce jour-là, la surface de l’eau. Encore une hallucination ? Non : les algues des Sargasses marquaient ainsi leur grand retour. Joui rinette rédila :

Les sargasses sont des microalgues brunes [orange, je vous dis !] équipées de flotteurs naturels qui leur permettent de coloniser la surface de la mer et de s’y multiplier. Elles abritent une multitude de poissons et même d’insectes. D’abord localisées dans le nord de l’Atlantique, elles se sont déplacées vers le Sud entre Amérique latine et Afrique. Elles ne sont pas nouvelles, dans les Antilles, où elles investissent le littoral depuis 2011 [tiens donc]. Plusieurs hypothèses sont sur la table pour expliquer ce phénomène : les alizés et les courants agissant comme de véritables tapis roulants pour les algues, les apports de l’Amazonie en nitrates et phosphates, avec la surexploitation agricole, voire le réchauffement de l’eau. Au cours d’une visite en Guadeloupe, à l’automne 2018, Emmanuel Macron, lui, avait directement pointé du doigt « les conséquences du réchauffement climatique »[11].
Les sargasses s’amoncellent sur les rivages, salissent plages et ports, bloquent parfois l’accès des bateaux... Mais surtout elles dégagent, en séchant, de l’hydrogène sulfuré et de l’ammoniac, qui peuvent provoquer maux de tête, nausées et vomissements. À partir d’un certain niveau de concentration, la sargasse attaque aussi les métaux, détruisant aussi bien les voitures que les appareils électroménagers. Mais, aux États-Unis, les habitants se servent des tas de sargasses qu’ils recouvrent de sable et de plantes terrestres pour réaliser des barrières anti-érosion sur les côtes texanes. À Marie-Galante, en Guadeloupe, certains agriculteurs commencent aussi à l’utiliser dans leurs champs comme compost. En Bretagne, la start-up Algopack s’est spécialisée dans la fabrication de plastique à partir des algues brunes [orange !!!]. Elle réalise des dalles, des cadres de lunettes, des verres, des jetons de chariot, des urnes funéraires... Un architecte français propose, lui, de les transformer en matériau de construction.
[La situation n’en demeure pas moins désastreuse, par endroits, et à Goyave, en Guadeloupe, Emmanuel Macron avait été interpellé par des habitants réclamant des moyens supplémentaires pour se débarrasser des sargasses :] « Monsieur le président, il y a des gens qui sont malades à cause des sargasses, on se sent délaissés et abandonnés. » [Une jeune femme malade depuis le mois d’avril 2018 à cause des sargasses lui a déclaré :] « On est dans une détresse que vous n’imaginez même pas. » [Un habitant de Goyave a ainsi souligné la nuisance des algues :] « L’inconvénient majeur, c’est l’odeur. À tel point que certains membres de ma famille ont dû déménager. » [J’ai moi-même discuté avec une Française qui avait dû décamper, avec armes et bagages, de japu trop quelle commune.] Une plainte pour mise en danger d’autrui a été déposée, le 28 septembre 2018, à Paris, par un collectif guadeloupéen, pour dénoncer les « insuffisances criantes de l’État face à l’envahissement des côtes antillaises » par ces algues brunes [or... bon, comme vous voulez] nauséabondes. Le phénomène avait poussé l’ex-ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot à se rendre sur place en juin 2018, avec la ministre des Outre-mer Annick Girardin [en charge des volets anti-ouragan ?]. Ils avaient alors annoncé un plan de lutte de 10 millions d’euros sur deux ans, avec pour objectif de réduire, pour les prochaines saisons, le délai de ramassage à 48 heures après les échouages.[12]

J’ai écrit ces lignes et trouvé l’info ci-dessus en juin 2020, soit pile deux ans après la date susmentionnée, à l’issue du délai indiqué ! La veille, en voiture, au niveau de Sentann, mes narines avaient pris le souffre de la sargasse comme jamais. Les autorités ont tellement œuvré à la mise en œuvre des objectifs ainsi fixés en 2018 qu’à chaque nouvelle marée orange elles sont comme un Xabi qui découvre, ahuri, depuis sa terrasse, la Calamity, comme si elle s’abattait pour la première fois. Aucune action de ramassage ni aucune autre mesure pour gérer et éventuellement exploiter le matériau (dont on se serait passé) ainsi fourni en quantité par la nature dignes de ce nom n’ont jamais été engagées. Léa m’a enculé, après que je lui ai écrit que Josette m’avait dit hésiter à venir en Gwadloup, comme elle l’avait prévu, à cause des algues : « Les Sargasses ont l’air de pas mal pourrir la vie des Guadeloupéens... J’ai lu quelques articles après avoir reçu ton mail, c’est impressionnant... De quoi dissuader Josette de venir te voir en Guadeloupe effectivement ! » Joseta, renoncer à rendre visite à son Xabi en Gwada ? Ce phénomène-là aurait de loin dépassé, pour son caractère exceptionnel, celui des algues lui-même, et relégué toute autre incongruité au rang des plus insipides banalités. Il faudrait que tous les vols soient supprimés et que plus aucun touriste ne soit autorisé sur l’île, autant dire, je ne sais pas, un scénario complètement invraisemblable comme un virus qui paralyserait la planète entière. C’est dire si ça ne risque pas d’arriver. Et encore, elle serait capable de fabriquer son propre sous-marin à propulsion nucléaire. Léa avait pris mes dires au premier degré (elle n’était pas près de pas-gagner un voyage pour pas-venir me voir elle non plus), alors qu’évidemment je blaguais.

Que les éléments, décidément, étaient à la page du récit du jour ! Car, à Pointe des Châteaux, sur le territoire de la commune de Senfranswa[13], d’où je revenais quand à Sentann ça s’était mis à humer le végétal marin décomposé à plein nez, de son chapeau l’eau avait sorti cette autre bien peu réjouissante curiosité : une marée de planches. Mais fruit de la mer encore plus fou, c’est donc à Entre Ciel et Mer que Manno et moi avons appris qu’elle fabriquait aussi du tiramisu, quand on a entendu une dame assise à une table à côté de la nôtre déclarer à son amie en face d’elle : « C’est comme le tiramisu en Thaïlande. » J’ai tout faux, avec mes histoires de tsunami, et c’est d’une horrible indigestion que des milliers de personnes sont mortes, en 2004, au pays du sourire. C’était le gag de l’année, non pas en 2004 dans ce pays, mais pour nous deux en ce joyeux déjeuner au bord de l’eau. On était morts de rire.

Au tour du ciel, ensuite, le jour de ma promenade à Pointe-des-Châteaux, avec une nouvelle entendue à la radio, dans ma voiture, au bout de ce même trajet, quand arrivé chez moi je me suis garé. J’avais été privé d’autoradio pendant des mois. Pour la technique, Xabi = bille totale, là-dessus aucun doute. Mais j’avais sollicité l’avis d’un garagiste sur un message qui s’affichait, sur l’autoradio qui refusait de fonctionner, qui signifiait selon lui qu’il devait être réinitialisé. Il m’a demandé si ma batterie s’était récemment déchargée. C’était le cas ! Il m’avait alors expliqué que j’avais besoin d’un code, que je devais réclamer auprès du concessionnaire de la marque, ce dont je n’en finissais pas de tarder à m’occuper. Manno a alors usé de ses doigts de fée et, miracle, l’autoradio a retrouvé la parole. Je m’apprêtais, arrivé sur le parking, devant la résidence, à l’éteindre et à descendre de la voiture. Mais aux actualités guadeloupéennes que je m’étais mis à écouter, pour la première fois, donc, depuis bien longtemps, la brume de sable s’est alors invitée. L’« alerte rouge, de niveau 10 », était annoncée pour le lendemain, 21 juin 2020. Ce fut la plus impressionnante à se produire depuis que je vis en Gwadloup. Le ciel était plus chargé que jamais, entièrement blanc, et l’horizon totalement bouché. Il est conseillé aux habitants-tantes, quand elle survient, de limiter leurs sorties et leurs efforts physiques à l’extérieur. Pour les asthmatiques, c’est catastrophique. Mais pour la vue, des fois, c’est magique. Au cours d’un de ces désormais très fréquents épisodes, Manno m’a envoyé des photos d’un coucher de soleil d’une beauté exceptionnelle, version ciel d’argent, voilé par le sable, avec au premier plan un arbre, entre noir et gris scintillant, prises depuis le haut d’un morne près de chez lui.

Le 22 juin, la brume s’était encore épaissie, engloutissant plus encore l’horizon mais aussi la moitié de la surface de l’eau. Un brouillard par beau temps. Le 23 juin, elle s’était presque totalement dissipée, mais pour de nouveau envahir l’atmosphère le 26 juin. C’était, ce jour-là, le vingt-huitième anniversaire de Léa. J’ai fait une sieste, en fin d’après-midi, qui s’est prolongée bien au-delà de l’heure à laquelle j’avais mis mon réveil à sonner. C’était la première fois depuis fort longtemps que je m’en servais, lui préférant mon téléphone, car il me semblait ne pas fonctionner très bien. Je l’ai regardé, quand j’ai fini par m’arracher du lit : il affichait… 6:26. Jolie synchronicité, qui n’a cependant pas manqué de me renvoyer le souvenir de l’illustration du topo d’Internet sur les trois 6 avec le réveil qui affichait 6:66… en ces temps de phénomènes à se demander jusqu’à quand les scénarios apocalyptiques allaient continuer de se multiplier et de se préciser. Je suis allé à la Poste, le lendemain, récupérer un colis pour lequel j’avais reçu un avis. Je pensais que c’était ma Matrice, ou plutôt La Divine Matrice de Gregg Braden, livre que j’avais commandé sitet. Je l’avais déjà lu mais je ne le trouvais plus. Ce n’était pas Elle mais ma cousine Sylvie, du moins son colis. Juste après son faux bond, toutefois, Elle m’attendait bel et bien, cette fois – alors que je ne l’avais croisée nulle part, dans aucune lecture, depuis sa découverte trois ou quatre ans auparavant dans le fameux ouvrage –, dans Et si l’amour c’était aimer de Fabcaro, où Elle est citée par lui, dans ses propres délires. Et j’ai lu ce même jour, dans cette même BD, son histoire d’un père et d’une mère à la plage avec leur enfant, alors que je venais moi-même de relater celle de la palacamana-pododococo-ratana du jour de l’énorme houle à Labenne.

« Au Chapitre de mes Visions figure celle d’une BD dans le ciel au Panama » : en-tête d’une toutnie liste de notes, manuscrites celle-là, cet énoncé d’une historiette à insérer... Mais où ? Fioncrace va chercher, s’il te plaît, avec « BD ». Fioncrace : « Regarde, ici, devant “palacamana”, avec un presque-Panama dedans, qu’est-ce que t’en dis ? » Ah, pamala... euh... pas mal ! Fioncrace : « Mais alors c’est quoi, cette histoire de “BD dans le ciel au Panama” » ? À vrai dire, figure-toi, elle fait partie de celles que j’avais déjà racontées, mais qui ont glissé, dans une fastopelle sûrement. La scène se déroule dans le cockpit d’un jet de la compagnie Air Caraïbes de mon doudou. Lui et moi avons profité, il y a quelques années, de ce que celle-ci desservait Panama City, pour nous y payer un petit voyage. Comme à quelques autres reprises, quand nous avons volé, ensemble, sur un de « ses » avions du Régional ou du Transatlantique, mon mari-stiou a demandé à son collègue pilote si je pouvais m’installer sur le siège central escamotable, à l’entrée du cockpit, derrière le pilote et son co-pilote, m’offrant ainsi de vivre cette fabuleuse expérience d’assister, aux premières loges, à l’atterrissage. C’était particulièrement beau et spectaculaire, en arrivant sur Panama City, et j’ai eu l’impression, à l’approche de sa ligne en skaï (ses hauts buildings – bien qu’absolument rien de comparable avec New York !), du fait de la luminosité qui régnait, et des couleurs du tableau, de regarder le dessin d’une BD. Voilà. Après l’image l’odeur : celle du kérosène, sur la piste, en attendant que l’avion qui a dû faire la queue, derrière d’autres aéronefs, pût se garer. J’ai dit au pilote : « J’adore l’odeur de l’essence. » Même aveu de sa part, dans un large sourire complice : « Moi aussiii !!! » Heureusement pour lui, ceci dit. Parce que ça doit en bouffer, du kérosène, un pilote, toute sa vie. Mais au fait, ne suis-je pas également, ici, au beau milieu d’une histoire de relents, dans l’atmosphère, de puissantes odeurs ? La classe ma fioncrace !

Une atmosphère chargée comme jamais, en Gwadloup où, en route vers la Poste je m’étais arrêté, à Bas du Fort, à l’épicerie de mon quartier. Le commerçant et moi avons échangé nos impressions sur la brume, le masque... « Ça fait double emploi ! », avons-nous conclu, à propos de ce dernier, pour les personnes fragiles. Au format du colis, quand il m’a été remis, j’ai tout de suite vu que ce n’était pas mon livre mais, reconnaissant l’écriture de Sylvie, j’ai compris : en ce jour d’une atmosphère non seulement vérolée mais suffocante, forcément, c’étaient des masques ! Ceux qu’elle m’avait si gentiment proposé, un mois plus tôt, au téléphone, de confectionner pour moi ! Délai écoulé que je mentionne non pour me plaindre qu’elle pût un tantinet traînailler dans cette initiative en ma faveur, dont je lui suis au contraire tout à fait reconnaissant, mais pour pointer que cette coïncidence dans le temps n’en était rendue que plus remarquable ! J’étais chez moi, à l’heure du passage du facteur, le jour où j’ai trouvé l’avis pour le colis, et j’ai donc demandé à la dame du guichet pourquoi il n’était pas monté à mon appartement me le remettre. Celle-ci m’a expliqué qu’il ne pouvait pas « aller au contact du client », mesures de protection contre le virus obligeant, mais qu’il le contactait par téléphone si son numéro était précisé sur le paquet. Autre BD de Fabcaro, Open Bar, lucu rapio[14] : un facteur debout à côté de son vélo qu’il tient d’une main, arrêté devant une vague esquisse de boîte aux lettres, l’autre main tendue vers celle-ci. Case suivante : un homme à côté de lui le salue. Le facteur l’informe qu’il lui a laissé… un avis de passage. Le client : « Mais... euh... je suis là. » Le facteur : « Et… ? » Le client : « Vous pouvez peut-être me le donner ? » Le facteur : « Écoutez, je préfère ne pas tenter le diable… » Il ne manquait plus qu’il ajoute : « Et ne pas aller au contact du client. » Que de jolies diablinotteries (un diablinot : un diable gentil, juste coquin quoi).

  1. « Cerbessa » : bière en espagnol
  2. Le volcan de la Soufriyè est dit « péléen », autrement dit explosif à nuées ardentes, une catégorie à laquelle la Montagne Pelée, en Matinik, a donné son nom. L’éruption de cette dernière qui, en 1802, a rayé Senpyè (Saint-Pierre) et ses vingt-huit mille habitants-tantes de la carte (ils n’avaient pas été évacués malgré de nombreux signes avant-coureurs – car au moins les éruptions peuvent-elles être prévues, à la différence des tremblements de terre !), s’est avérée l’une des plus meurtrières de l’Histoire.
  3. En 2017. Le b-a-ba de la protection : l’information. D’ici deux mille quarante-douze j’en suis certain, tout aura été mis en œuvre pour assurer la meilleure préparation des habitants-tantes de l’île à ce type de catastrophe.
  4. Le tOU-OU-cas est rwandais, ce UUU-ia est brésilien. Mais alalala-dépadadoudage ! Pas bien ! Pas chrétien ? N’exagérons rien.
  5. L’œil ? Oui ! Enfin non. C’est connu, le bel œil bleu, la pupille de l’ouragan : c’est le calme plat. C’est quand le blanc de l’œuf... euh... de l’œil revient, que aïe, ouille, bim, bam boum.
  6. Faut-il continuer de m’inviter ? Oui ! Car les mariages auxquels j’ai assisté, tout au long de ma vie, et qui ont « tenu », se situent par ailleurs dans une moyenne tout à fait honorable !
  7. « Big Ouane » : grooos tremblement de terre
  8. Fort-de-France
  9. Devinette pour la gloire
  10. Wikipédia (https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9gression_et_d%C3%A9gradation_des_sols)
  11. « Se payer de mots. » Bernard-Henri Lévy, qui ne compte pas vraiment parmi mes références, est cependant l’auteur de cette affirmation qui m’a marqué, car tellement exacte et parlante j’ai trouvé, selon laquelle LSME « n’[avait] pas de fort intérieur », pointant ce que l’on pourrait qualifier d’« absence de parole » ou d’« hypocrisie... sans pareil »... Intersidérale pour Micron.
  12. France Info 29/09/2018, 17:21. Dans l’eau... des requins !!! À Saint-Martin. C’est France Info, également, qui en parle, le... 11/12/2020, le jour de la première impression de Mon Dieu, Mon Bouddha et Patata !... : « Une femme tuée par un requin à Saint-Martin. Le requin a arraché la jambe de la victime, une femme de 39 ans, qui a été retrouvée inconsciente sur une plage près d’un restaurant de la Baie Orientale [Orient Bay] de l’île. Les secours n’ont rien pu faire, la victime ayant eu une jambe arrachée par le requin et ayant perdu trop de sang. La baignade et les activités nautiques ont été interdites pendant 48 heures. » Dépêche reçue de Manno, à qui j’ai répondu : « C’est quoi cette histoire ??? Il ne manquait plus que ça !!! » Je pensais que le méchant poisson appartenait au passé : j’en étais resté à la version selon laquelle il n’était depuis très longtemps plus présent dans le coin, du fait de la surpêche, et qu’il ne traînait plus que quelques petits spécimens inoffensifs...
  13. Saint-François
  14. Lu au cours de la même période. Diantre, cette nobapa-tiramisu-d’Entre-Ciel-et-Mer annonciatrice du déferlement fabcaroïen ! (Le raz-de-marée a perdu en puissance, mais avant de nouveaux mouvements de plaques tectono-païennes, c’était impressionnant.)