22 – Aucun accouchement ne se ressemble

De Xavier Renard
Aller à la navigation Aller à la recherche

Un accouchement (parlant, se pâmant) : « Miroir, ô Miroir ! Dis-moi qui est le plus beau ! » Un miroir pas contrariant : « C’est toi. » S’il était honnête : « C’est toi... enfin... tu te ressembles, quoi. » L’accouchement : « Ah. Et ça veut dire quoi ? » Qu’il est beau, qu’il ne l’est pas ? Qu’il l’est, c’est cela, évidemment, qu’il voudrait entendre. D’un miroir, quand on lui pose la question, ça n’est à priori pas pour qu’il nous casse le moral. Je me ressemble, tu te ressembles, un accouchement se ressemble : c’est surtout ça, dont il n’apparaît pas forcément, à première vue, que cela puisse signifier grand-chose. Ou ça... ressemble, fort, à une lapalissade. Attention, nous ne sommes pas non plus sur un miroir sur une palissade. Ce qui rimerait à quoi ? Qui viendrait lui demander s’ielle est beau-belle, pas beau-belle, moche comme un poux ? Non, on fait plutôt ça chez soi.

Les experts, en la matière (à quoi ressemble quoi), ne sont-ce eux, les miroirs ? Demandons à l’un son avis. « Miroir, ô miroir... Accouchement demande, toi. Ça ira plus vite. » A : « Ah. D’accord. Miroir, ô miroir, dis-moi si je suis... »

– Non ! Pas si t’es beau, on s’en fout de ça !

– Eh oh, parle pour toi.

– Mais moi, je sais.

– Quoi ?

– Peu importe. La question, c’est...

– Ah, je sais : miroir, ô miroir...

Il hésite.

– Bon, t’accouche ? Pardon, je n’ai pas résisté.

– Haha. Ne m’interromps pas s’il te plaît. J’ai : miroir, ô miroir, est-ce-que je me ressemble ?

– Non, attends. Ce qu’Accouchement et moi voulons savoir, c’est ce que « se ressembler » peut éventuellement signifier. Pour une seule personne ou chose. Est-ce qu’Accouchement, par exemple, peut dire qu’il se ressemble ?

Le miroir : « D’abord il peut bien dire ce qu’il veut. Maintenant c’est toujours pareil, si l’on se soucie un tant soit peu de ce pour quoi l’on va passer, on évite les propos les plus débiles ou insensés. On s’applique, un minimum... Hein ? Ça n’est pas à toi que je vais expliquer ça. Moi : « T’es d’accord, alors, “aucun accouchement ne se ressemble”, c’est complètement bidon. »

– À priori oui. C’est qui, qui dit ?

– Une nouvelle accouchée, dans la Maison des maternelles...

– C’est où, ça ?

– Nulle part, ça n’est pas une maison, c’est une émission. C’est le titre. La dame raconte la mise au monde de son petit et opine ainsi.

– Je ne suis peut-être pas le mieux placé, cela dit, pour me prononcer.

– Tant que tu ne l’es pas sur une palissade...

– Qu’est-ce que je foutrais sur une palissade ?

– Cherche pas, on blaguait avec ça tout à l’heure moi et Accouchement. Mais en quoi tu ne serais pas capable d’émettre une opinion ?

– Je m’y connais plutôt en réflexion.

– Ah, oui, si tu veux… Eh ben alors, réfléchis !

– T’es un sacré comique toi, dis donc. Après tout une chèvre, même une chaise, pourrait répondre à ta question, tellement c’est con.

– Bien que pas au point qu’il soit donné de le faire à un objet ou à un animal.

– Je te rappelle que dans tes fables, oui !

– Merci Miroir, à moi-même il est parfois bon de le rappeler.

– T’avais déjà oublié ? Tu viens de l’expliquer. Une chaise, pour notre ami ! Il a besoin de se poser.

– J’ai ce qu’il faut, je ne les écris pas debout, mes histoires à dormir assis.

– Y a pire, tu veux dire.

– Oui. Tu ne les trouves pas jolies ?

Joliment brodées elles sont, mes leçons, sinon quel ennui. Je me re-flatte. Pardon. Et je poursuis mes leçons. Ici : humains et toutes choses ne peuvent se ressembler tout seuls. Il en faut pour cela au moins deux. Un accouchement peut ou non ressembler à un ou plusieurs autres accouchements. « Aucun accouchement ne se ressemble », ça ne ressemble à rien. « Pas deux accouchements ne se ressemblent », quelle que soit la gueule du rejeton, dans un cas comme dans l’autre, le dire comme ça en aurait davantage.

Le rejeton ? Et la saison ? À quoi elle ressemble ? Quelle gueule elle a ? 13h30, tadar (taux de charge de mon téléphone) 39 %, ouah ! En ce 1er juin, merci ! merci ! de me poser et me chiffrer pareillement la question ! Accouchement à Miroir et inversement, en même temps... 13h33 maintenant... : « C’est toi, qui lui demandes ? » En chœur également : « Ben non. » Un chœur ! Où j’ai fait briller un crucifix ! En métal doré. En la mythique Basilique de Vézelay. Avant-hier. Et où je viens encore de prier. AccouchMoir : « Ah ! C’est pour ça ! Tout illuminé que tu es, tu entends des voix. »

Ah ça, tout est possible dans ces moments-là. Elle fut bien réelle toutefois, celle qui encore une fois les oreilles me cassa. Seigneur j’ai mal ! j’ai mal !...

– Pas qu’aux oreilles, hein ? ma brebis.

– Égarée, tu crois ?

– En toi, c’est en toi, que je crois, mon Renard des bois. Et en ton Tigre. En ton Tigre et toi.

– T’as vu, la dame, dans le magasin de sculptures d’animaux en métal, elle n’en avait pas.

– Le Tigre est en toi.

– Ooohhh, Seigneur.

– Bon, ma brebis, tes moutons...

– Ah. Euh... Ouf, ça va, on ne retombe pas trop bas. Ça parle de saison. Ça parle, ça parle... Ça parle mal encore. D’un truc... « entre chaque saison ». Entre une saison. Tiens, entre une saison ! Entrez, saison ! Faites comme à la maison... Non, non et non.

– C’est moi, l’été, ta saison préférée ! Moi tu me laisses entrer ?

– T’as vu la date ? Et ça entre, une saison ? Non, ça commence. Toi c’est pour bientôt en effet. Mais ne profite pas de ma réflexion pour entrer par effraction.

– Il faut savoir. Ça peut ou ça ne peut pas entrer, une saison ?

– Allez, c’est bon. Merci de ta participation. Il est temps de conclure notre démonstration : de même qu’un seul accouchement ne saurait se ressembler, ou ne ressembler à rien, ni que rien ne ressemblera jamais à rien (même si tout ressemblera forcément toujours à quelque-chose), rien ne sera jamais possible entre une saison et rien. Il ne peut se passer quelque-chose qu’entre une saison et une autre, entre deux saisons. « Entre chaque saison » : ou comment concevoir l’inconcevable. Très fort, alors ? Non. Nul. Qui a dit que quoi avait lieu entre chaque saison, donc, je ne sais plus, mais à qui voudra évoquer quoi que ce soit du genre me fera plaisir, à l’avenir, en le situant « entre deux saisons », « entre les différentes saisons », comme il voudra, à condition qu’elles soient au moins deux, nom de nom.

L’été : « Ne m’interdisais-tu pas tout à l’heure de me pointer avant la date où je suis censée commencer ? La veille le printemps finira. Puis le jour où je prendrai fin sera suivi, le lendemain, de l’automne. Aussitôt qu’une saison finit, l’autre commence. Entre deux saisons... il n’y a rien !

– T’as raison, on parle d’« entre-deux-saisons », mais à propos du climat, fusse au sens propre ou figuré – autrement dit d’une ambiance ou d’une atmosphère, dans ce dernier. Or pour un fait précis... Booouuuhhh, vraiment, toutes ces âneries. Besoin de me ressourcer. Je retourne prier.