7 – Tomber dans un écueil

De Xavier Renard
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Tomber sur un écureuil ? Au gré d’une promenade en forêt. Association d’idées. Dites ce qui vous passe par la tête. Thérapeute sortez de ce corps. Du texte. Bon, qui que (dans ma tête) vous soyez, je veux bien jouer. Une forêt ? Ok. Aux abords de la ville thermale de Châtel-Guyon, dans le Massif central. Plein d’écureuils en effet. Dire que je leur tombe dessus, les uns après les autres, me paraît... impropre ! Expression bidon ! « Tomber sur » implique un effet de surprise : dis donc, je me promenais en forêt, je suis tombé sur un écureuil... J’induis que je ne m’y attendais pas. À la limite, le premier... Mais les suivants... Ça ne va pas, je sors de cette forêt.

C’est ce qui s’appelle s’égarer à vitesse grand V. C’est vite fait, c’est vrai, en forêt. En Guadeloupe sur le chemin entre les arbres vers une rivière et sa chute, un itinéraire pourtant pas très long et pas bien compliqué, à un moment donné sur le retour, à un embranchement, j’ai vraiment hésité. Et un peu flippé. Mais c’est de l’écueil, qu’on s’éloigne. Tant mieux. Le risque s’amenuise, par conséquent, de tomber dedans. Encore faudrait-il pouvoir, y tomber. Ce n’est pas un souhait. C’est une objection. Écueil ? Je pense « rocher ». Je mouchinette (de « mouchinet », moteur de recherche d’Internet) : c’en est effectivement, avec « banc de sable », le sens premier. Tomber sur un écureuil, sur un écueil, sur un rocher, sur un banc de sable, c’est du domaine du possible. « Tomber dans un écureuil », ça tout de même je ne pense pas que qui que ce soit oserait. Remarquez, pour concevoir de tomber dans un rocher ou dans un banc de sable, faut quand-même également s’être bien démâté. Dans un écueil, il peut cependant ne pas être nécessaire de complètement délirer, pour l’envisager, si on ne sait pas ou si on a oublié ce que c’est.

Navrant toutefois, de la part de personnes dont le métier est axé sur la pratique du français, qu’elles ont en principe assez longuement étudié, dans le cadre du cursus scolaire et supérieur qui les y ont menés. Navrant, ça, par exemple, de la part d’une « spécialiste », dans un débat : « Y a un écueil qui fait face à ça, et dans lequel à mon avis il faudrait pas tomber. » « Y a un... qui... », « un écueil qui fait face à... » : ah c’est joli, tout ça. « Il faudrait pas » : la négation ? Pourquoi s’emmerder !? Mais enfin, t’es à la télé ! Et toi donc tu y tombes, dans l’écueil ! La totale. Tous les pièges du français ne sont pas faciles à déjouer, je ne prétends pas cela. Mais là il n’y en a même pas ! Ça n’est que du b.a.-ba ! Ah eh bé tiens c’est moi, qui viens d’y tomber ! Dans un piège ! Pas dans un écueil ! Moi c’est « b.a.-ba », que j’ai eu dans le baba. Je l’avais écrit « b-a-ba ». Je ne sais pas tout, je ne dis pas ! Loin... DE LÀ ! Toujours est-il qu’en y mettant un peu de cœur, des phrases moins moches peuvent sans difficulté être trouvées : « L’écueil à éviter est en l’occurrence, à mon avis… » Hein ? C’est compliqué ? Marre, marre, marre, de la zéro-éloquence. De la zéroquence.