Chapitre 61 – Démarrage du Cinquantenaire sous les Meilleures Auspices...
Roch Hachana, avec R et Xaxa dedans : le Nouvel An Juif, cette année, c’est le jour de mes 50 ans !
« Je suis aussi chrétien que juif, musulman, hindouiste, bouddhiste... » : je ne sais pas comment Rose-Berthe, quand je lui ai dit ça, n’est pas partie en courant. Il fallait qu’elle m’aimât bien. Car elle est... témoin de Jéhovah. Si elle savait, en plus, que je suis homo ! Je devrais la considérer comme mon ennemie absolue, et elle devrait me détester... Ou tenter de me sauver de la damnation. Je l’ai toujours su, ça se voit, ça se sent, même si elle est sympa comme tout. Elle est même, à ce jour, la toutnie Telponne[1] entrée dans ma vie. Le reste je m’en fous. Mais qu’on ne vienne pas m’emm... avec ça. Une ancienne voisine du C1, autre spécimen de cette espèce si répandue, sous ces latitudes[2], les premières années de ma vie gwada-pòtdékarayibéyèn, avec qui je discutais de temps en temps, n’avait pas résisté : elle était carrément venue sonner chez moi pour me servir son couplet. Malheureuse. Je n’avais pas été tendre... Rose-Berthe a également effectué une tentative, dans le cours d’une conversation, une première fois devant le restaurant le Rosini, dans l’allée de la résidence qui ose bifurquer à droite pour aller chez moi. Déjà, ça m’avait énervé, alors la pauvre Rose-Berthe, elle a dégusté.
En vrai : je l’avais très gentiment rembarrée. Mais, sur mon palier, elle a récidivé, et c’est alors qu’elle a senti le vent, délicat, d’Allah, Vishnu, Bouddha et toute la smala. Alors, l’air de rien, comme la fois d’avant, elle est passée au sujet suivant. Quant à ma non-religion, c’est... dans un magasin de prêt-à-porter, à Bas du Fort, que j’ai appris que j’étais déiste, en discutant avec Soraya la vendeuse. Mais un déiste dualiste ? Ou bien... comment Denis m’avait-il posé la question chez lui à Hazparne ?... 1. Dualiste : qui croit en un Dieu « extérieur ». 2. L’autre : Dieu c’est moi, c’est nous, c’est tout. Réponse : la 2. Rose-Berthe venait de s’extasier sur la rambarde de mon palier endommagée par mes plantes que j’avais enfin (!) retapée. Elle s’est répandue en compliments. Mais le plus sincèrement du monde, pas pour me passer de la pommade avant d’attaquer. Elle me l’a même répété, quelle jutarde : « Xavier ! J’aiiiiiime ta rambaaaaarde !!! » Ajoutant : « Tu viendras faire mon balcon ! » Mais, quelle putarde, elle n’a pas pu s’empêcher elle non plus de me glisser une de ses brochures. Ainsi en suis-je venu à lui parler... d’intolérance et de haine (on en est arrivés à évoquer ce qu’elle a appelé les « pédés » ; je l’ai reprise : « On ne dit pas pédé »), non sans lui préciser : « Je sais que tu es une belle personne... » Upululu jacta, dans The Argumentative Indian :
- [Le droit de décision individuel], en matière de religion, par exemple, a autant été défendu que renié, dans l’histoire tant de l’Europe que de l’Inde, et l’argument d’une « expérience unique, parmi les sociétés civilisées », en Occident, dans le soutien à ce droit, apparaît pour le moins fallacieux. Pendant que l’empereur Akbar émettait son ordonnance légale selon laquelle « aucun homme ne doit subir d’ingérence, eu égard à sa religion, et toute personne a le droit d’opter pour la religion de son choix », et pendant qu’il s’occupait d’organiser des discussions entre les hindous, les musulmans, les chrétiens, les jaïns, les parsis, les juifs et même les athées, Giordano Bruno était brûlé vif sur le bûcher, sur la place de Campo de Fiori, à Rome, pour cause d’hérésie.
Ce doigt d’Armatya à l’Occident : tellement jouissif !... On se calme. Ces quelques lignes en disent en tutu tellement long sur LE BIAIS de l’Histoire. L’ANGLE DE VUE. Sur cet impératif, comme je l’ai argué jadis au gré de mon exploration du Mondo-païen, de ne JAMAIS RIEN PRENDRE POUR ARGENT COMPTANT. Car ô combien les citoyens-yennes peuvent être conditionnés-nées par leur culture et leur Histoire. Armatya Sen poursuit ainsi :
- L’insistance d’Akbar sur le rôle de la raison constitue peut-être l’aspect le plus impressionnant de son engagement en faveur d’une société pluraliste et tolérante. Il convient selon lui, y compris dans le choix de sa religion, de suivre la « voie de la raison » (rahi aql), et non de céder à une « croyance aveugle ». [...] Je me suis efforcé de retracer, dans les deux premiers essais de ce livre, la longue histoire du raisonnement – et de l’argumentation – en Inde, en lien avec ses accomplissements dans les domaines des sciences, des mathématiques, de l’épistémologie, de l’éthique publique et des politiques de participation et de laïcité.[3]
Apothéose de la dégradation de l’état du monde (fort malheureusement) conforme à mon Scénario des Calamités, avec le coronavirus... Et cet article sur la « collapsologie » la veille de mes cinquante ans dans Politis, d’un pessimisme rare (le catastrophisme n’étant évidemment pas le genre de l’hebdo), intitulé « Effondrement en cours : on fait quoi ? », et finissant sur les perspectives à entrevoir pour l’éviter, « dans l’hypothèse incertaine où il ne serait pas déjà trop tard ». Sympa. Mais le lendemain, le jour J de X, la foi emplissait le quartier. Sur le chemin que foulaient si souvent mes pas, depuis... 13 ans que je vivais en Gwadloup, les membres de la communauté juive du quartier se dirigeaient en nombre vers leur lieu de culte. Je ne l’avais jamais vu fourmiller ainsi. Embarqué dans le flot, il ne me manquait qu’une chemise blanche, un pantalon et des chaussures noires, ainsi que la kipa. Pour aller dire toute ma dévotion au Seigneur avec mes sœurs et frères en route, depuis la Porte des Caraïbes, le Marisol et les autres résidences du quartier, vers la synagogue. J’ai emboîté le pas à tous-toutes ces joyeux-yeuses pratiquants-quantes, même si pour moi aucune messe n’était prévue au programme. Mais je trottais tout guilleret, dans un même mouvement, car pour moi aussi c’était Nouvel An. J’ai dépassé un petit groupe des marcheurs-cheuses et me suis retourné, m’adressant à l’un d’ielles, un jeune homme à qui j’ai lancé : « Bonne année ! » Après qu’il m’en a remercié, j’ai ajouté tout fier : « Je fais cinquante ans aujourd’hui ! » M’entendant ainsi souhaiter, en retour, mon premier : « Joyeux anniversaire ! »
J’ai continué de le clamer, sur les toits et depuis le sommet des cocotiers puis, recteur, sur le trottoir, et des gens devant moi se sont alors retournés et m’ont dit : « Toi, on t’emmène à la synagogue. » En vrai : j’ai juste abordé un autre jeune homme, qui m’a un peu raconté le Nouvel An juif, et à qui j’ai dit deux mots de ma drôle de foi – deux fois rien, car peu de chances que cela lui parlât –, et qui a fini par me demander, s’inquiétant peut-être de ce que j’eusse effectivement l’intention de m’incruster : « Tu vas où ? » J’avais dépassé la boulangerie à laquelle j’avais prévu de m’arrêter. Je lui ai répondu que j’allais à l’épicerie, à mi-chemin à peu près entre notre position et sa pieuse destination. J’ai donc poursuivi, feignant de m’y rendre, puis arrivé au magasin où je n’allais pas, j’ai rebroussé chemin. Pour payer mon café à emporter et à aller boire sur la plage, à la boulangerie, j’ai sorti les trois billets qui se trouvaient dans mon porte-monnaie. J’en ai tendu un, de dix euros, à la vendeuse. Les deux autres étaient des billets de vingt. 2x20+10 : combien avais-je donc sur moi ? 50 euros bisû ! Et pas le moindre kopeck de plus. Et puisque même mon porte-monnaie me célébrait, la boulangère n’y a pas coupé, et je lui ai déclaré : « Cinquante, comme mon âge ! J’ai cinquante ans aujourd’hui ! » Elle m’a offert cinquante viennoiseries. En vrai : je ne mange depuis longtemps qu’exceptionnellement de ce pain-là.
Mon téléphone portable, quand je l’ai saisi, en début de matinée, affichait « lundi 30 septembre ». Jusque-là rien de véritablement paranormal. Mais, le premier, il m’a souhaité beaucoup de bonheur, avec un taux de charge de 13 %. Tandis que je prenais note de son taux d’anniversaire, il a sonné. Il m’envoyait mon traiteur, que j’avais appelé quelques minutes auparavant, pour un dîner qui ne compterait plus « que » mes voisins Sandrine, Frédéric et Cyril, les seuls à avoir pu répondre positivement à mon invitation. Mais Aline conviée ailleurs est passée, à son retour, vers 22 heures. En ce jour Xabi était partout, dans tout, y compris dans la dame qui le rappelait pour ses plats à commander. Du moins dans son nom : Madame Charabi. Heure de la prise de note, ici, de ces détails croustillants : 19h39. 1939 ? Synchro subtilement farceuse, en ces juiveries de mon 30 septembre 1969 + 50, car 1939 c’est également ce que l’heure pouvait m’offrir de plus proche du 30/09/69 au vu de ses combinaisons à quatre chiffres possibles, avec le 3 de 1939 à la place du 6 en guise de 3 du 30 septembre (cucu pu doa). [Et la Shoah ? Je n’ai pas étudié ça ? Ou ça pue trop du cul ? C'est pour ne pas jeter un froid ? Cotojo, c’est juste que toutes ces synchronicités, de tous les côtés, ça fait que parfois un détail m’échappe. Ici dans cette autre année.]
Après que j’ai raccroché d’avec Madame Presque-Xabi-Rabbin, Sandrine ma voidumie m’a appelé, s’enquérant de savoir si j’avais aperçu Aline. Nous nous étions télescopés, la veille, à l’entrée de la résidence, à mon retour de la plage de l’hôtel La Créole du quartier de Pointe de la Verdure (de Serge) à Gosyé. Elle venait d’arriver de France, d’où Henri mon voidapajudumi devait également rentrer le lendemain. Le jour de mes cinquante ans : sa façon de me célébrer ? Mais vraiment sans le vouloir alors, parce qu’il ne m’a même pas ouvert quand j’ai sonné chez lui pour le convier à mon dîner. Il était pourtant bien là, m’a-t-il semblé, mais certainement rétamé parce tout juste débarqué. Les dix prochains paragraphes sont consacrés aux dizaines de messages reçus pour mon anniversaire, que je décortique pour en tirer la susane monique. Mongol. Je me contenterai d’un : « Je ne t’ai pas oublié. Juste un jour de retard ! » Le cul d’Isabelle était agrémenté de la photo d’un superbe graffiti déniché par elle dans une rue de Paris, au centre duquel trônait une magnifique représentation d’un certain petit prédateur. « Un jour de renard tu veux dire ! », lui ai-je répondu. Un jour de renard et de joie ! Alléluia !
Le cadeau du fichier du plan de mon manu, quand j’ai ajouté le titre « Départ pour la fête de mes 50 ans », a été d’afficher, dans ses statistiques, « 5 000 mots » tout ronds. Un 50 puissance 100. Il ne croyait pas si bien dire. Le 12 octobre, à la seconde où j’ai saisi mon téléphone portable afin de vérifier si Manno m’avait répondu, pour le billet, le message « à l’instant… » s’est affiché, signalant son message dans lequel était écrit « OK pour un GP réservé pour le 15 ». Tiens, les deux chiffres hors 0 de 5 000 mots et 50 puissance 100... Et puis c’est parti ! Départ pour Euskadi ! Cinquante ans : l’occasion de découvrir le Pays basque. J’en avais toujours entendu tant d’éloges. Je n’avais jamais vu la mer non plus. Pas grand-chose des beautés de ce monde en réalité. C’était tout comme, le jour où j’ai visité deux des appartements des Résidence Mer & Golf que j’avais réservés pour y loger mes futurs-tures convives. Sur la terrasse de l’un d’eux, j’étais tellement subjugué par la vue que j’avais l’impression de l’admirer pour la première fois, dans mon propre pays. Je m’étonnais, en réalité, de m’étonner encore… à ce point… de sa beauté.
C’est plutôt bon signe ! Mais il faut dire qu’elle est infinie. La beauté d’Euskadi. Du monde. De la vie. Je ne découvrais donc pas mon océan, mon littoral, ce panorama à tomber à la renverse, mais de mon promontoire de ce bâtiment lui-même juché en haut des falaises, aux confins d’Angelu et de Meharitze, il paraissait plus fantastique encore. Un tableau encore embelli par une magnifique palissade en verre… Non, ça c’est ababachi. Ah, je, sais : par le phare, au bout de la falaise de la Pointe Saint-Martin séparant les deux communes limitrophes et abritant, au pied de celle-ci, la grotte des amoureux qui s’y sont noyé-yée (yeah !... euh... non), et ainsi passée à la postérité comme celle de la « Chambre d’Amour ». Ces deux sites d’exception, les Résidence Mer & Golf et l’Espace de l’Océan à deux pas : une formule magique vers laquelle Ama, caramba, avait fichtrement bien été inspirée de m’aiguiller ! À quelques jours du Grawek, toute cette beauté m’a submergé, ainsi que la joie de l’offrir à tous-toutes celleux qui, incessamment sous peu, allaient débarquer, dans ce lieux merveilleux !!!
Mais jusqu’auX Jour J (nouba et voyage en Inde) les obstacles n’ont cessé de s’accumuler...
Trop... beau (on le saura) pour être vrai ? C’est ce que la tempête annoncée et une grève des trains ont à un moment donné semblé vouloir me signifier. À cause de cette dernière, les annulations, à mon grand dam, ont commencé à tomber. Mais ça s’est vite arrêté. Car mes chteuneus-neues, depuis les quatre coins de France, ne concevant pas de louper ça, auraient soulevé l’océan. L’imprévu m’a quand-même coûté la venue de ma Koko et de ce qui aurait été le Xabi n° 2 de l’assemblée, son Xabi, ainsi que celle d’Olivier et Isabelle Goldmann, que je n’avais pas vu-vue depuis si longtemps : une quinzaine d’années pour Monsieur, multipliées par plus de deux pour Madame. Ils m’avaient dit non, puis oui : j’étais tellement ravi !!! Et donc finalement non... Ils se prennent pour des stars ou quoi ? Eh oui, les Goldmann... Mais aditita.
« Faut-il que je t’aime ! », m’a quant à elle déclaré ma Zaza[4], attrapant un avion militaire à la volée, comme dans la caméra planquée de François Damiens pour, encore plus fort, finir en deltaplane ! Il ne lui est heureusement pas arrivé la même mésaventure qu’à un parapentiste, à Donibane-Lohitzune, qu’un courant ascendant avait emporté au-dessus du casino, et à qui l’atterrissage avait dû coûter un peu plus que quelques égratignures. Angelu : « Il y est resté, tiens, pardi. » Merde. Qu’il se pose… euh… repose en paix. C’était bien je crois en effet la chute de cette histoire dont Ama avait eu vent par son journal Sud-Ouest, dans son salon à Baiona : Manno était là. Alors qu’elle venait de le lire, elle nous l’a raconté, d’une manière qui nous a bien fait rigoler. Même si ce n’était pas très gai. Quant à l’avis de gros temps, à BAX-J2 (après BAX-J1 à l’Église Sainte-Marie pour Janeta) moins des poussières, la question m’a même été posée de savoir si le week-end… était maintenu !!! Non mais et puis quoi ??? L’Atlantique devra d’abord me passer sur le corps ! En cas de tiramisu. Au vu de la météo, je n’ai donc pas commandé de dessert. En vrai, pour ce qui était d’un éventuel tsunami, dans sa version vagues de submersion, dans le sillage d’une rageuse Amélie, il n’a pas été très loin de s’inviter lui aussi.
Le programme que je m’étais concocté comptait, deux mois après la fête, le voyage dans le Rajasthan avec Vanessa et sa troupe. La première fois qu’elle m’en a parlé à Nice plus d’un an auparavant je me suis écrié : « Je viens !!! » Avant même de voir, un soir chez son coq François, les photos du voyage de l’année précédente qu’ils avaient effectué ensemble, quand la passion était à son comble... Avant la terrible déconvenue, pour Vanessa, de leur rupture intervenue peu avant la fiesta, où elle devait venir avec lui... C’est donc Gérard, finalement, dont j’ai alors eu le plaisir de faire la connaissance, qui l’a accompagnée. Moi, en tout cas, je n’ai vraiment pas perdu au change ! Vanessa m’avait dit être certaine que l’on s’entendrait très bien, tous les deux, sur le plan politique en particulier... Chez François, j’avais cependant tempéré mon entrain pour le voyage d’un bémol, prévenant Vanessa que je ne savais pas si je serais en capacité de participer à toutes les activités et excursions.
Je n’en finissais plus de me couvrir de cadeaux, pour ma cinquantaine, bien qu’en en faisant profiter, au passage, mes pochimis-mies. Et quoi s’offrir de plus beau justement que le bonheur procuré à celleux que l’on aime ?[5] Cette Temporada Novembre 2019 – Janvier 2020 rêvée pendant un an, pour réjouissante et excitante qu’elle fût, constituait en réalité pour moi un assez énorme défi. Car quand on ne pète pas tous les feux la question est : la fusée va-t-elle décoller ? Pour l’Inde, également, les obstacles ont semblé vouloir se multiplier. Le jour de mon départ de Paris pour Roissy, Helsinki, puis New Delhi (le 02/01/2020 à 20:20 !), pendant que je prenais le petit déjeuner dans ma chambre d’hôtel… mon bridge droit est tombé ! Je me suis rendu compte, dans le taxi, mais très vite heureusement après qu’il a démarré, en direction de l’aéroport, que je l’avais oublié dans la salle de bains. Nous sommes retournés le chercher. Je suis allé chez un dentiste, en Inde, à Jodhpur, au bout d’une semaine, qui l’a remis en place. Mais il me faisait mal et recommençait à bouger, et j’ai dû… l’arracher, emportant des morceaux de gencive et aspergeant les murs de ma chambre du Fort Chanwa de sang... Mais je n’étais plus à ça près, car...
À Paris (puis en Inde) : torture par le froid, bronchite et extinction de voix
Côté météo, le froid a commencé à s’en prendre à moi à Paris le soir du 31 décembre quand j’ai cheminé à pied, après avoir pris le bus et le tramway, depuis mon hôtel, jusqu’à chez La Peyre, où ma mie ne m’a pas permis d’arriver avant 23 heures. Et je ne sais par quel miracle encore je suis parvenu à festoyer toute la nuit. Chez Sandrine d’abord. Avec Sylvain et Thierry deux de ses chéris, un ex et celui du moment, très sympas (si tatulu pissi), ainsi que François, autre ex, grand ami, mon chéri aussi, et Laurence sa compagne. Ces deux dernier-nière chteuneu-neue ont été les toutpis dont j’ai appris, pendant la conne, en avril 2020, qu’ielles avaient été coroné-née. J’ai reçu, en Gwadloup, le SMS dans lequel ielles l’annonçaient, juste après que Stef et moi nous étions dit, au téléphone, que nous ne connaissions encore personne qui ait été contaminé. François et Laurence m’ont emmené, en ces toutpies heures de la nouvelle année dont on ne savait pas qu’elle était la première d’après la toutnie du Monde d’Avant, vers deux heures du matin, à une soirée chez des amis-mies. En compagnie desquels-quelles l’étape suivante s’est déroulée dans un bar, chez Carmen, semi-gay : fantazique et fantambiance avec les autres fêtards-tardes, dont les amis-mies de FraLau. Sansan et Pantxo sont des habituée-é de ce lieu, fameux, comme sa susdite tenancière, un amour, qui m’a adressé de très gentils mots quand j’ai pris congé d’elle en sortant vers 8 heures du matin. Dehors, passage sans transition de l’euphorie de la fête à l’abominable calvaire qui a alors commencé, dans un froid atroce, car les transports étaient en grève et je ne suis parvenu à trouver de taxi qu’au bout d’un long moment.
Le froid a de nouveau sévi dans le Rajasthan, rendant malade la moitié du groupe, avec pour moi le plus gros lot : une bronchite asthmatiforme carabinée. Jamais il n’avait été aussi vif que pendant notre séjour, nous a-t-on dit, dans cette région du nord de l’Inde. Le pire supplice pour moi-même et mes camarades a eu lieu lors d’un concert devant le temple de marbre blanc de Jaswant Thada – un édifice « abusivement surnommé “petit Tadj Mahal” », lis-je sitet ; il est d’une grande beauté, mais c’est tout de même un peu exagéré en effet –, sur les hauteurs de Jodhpur... à cinq heures du matin ! Imran, à la cithare, était accompagné d’autres musiciens et de la chanteuse Aashtha Goswami de Haveli Sangeet, la musique classique hindoustani traditionnelle. Nous avons eu le privilège exceptionnel de pouvoir jouir des abords du temple, en exclusivité et en dehors des heures d’ouverture de ce prestigieux site touristique, ce dont Imran avait obtenu l’autorisation grâce à ses relations auprès de la famille du maharadja de Jodhpur ! Dans ce somptueux décor, l’instant qui n’aurait dû être que magie et émerveillement s’est donc surtout avéré particulièrement éprouvant, et j’avais personnellement encore moins prévu que les autres les vêtements nécessaires, ne disposant plus vraiment depuis longtemps de quoi correctement m’habiller pour le froid ! Mais personne ne s’attendait, nos organisateurs indiens les premiers, à avoir à endurer, en cette période, des conditions pareilles. Au cours de la semaine du festival de Raaga Tala de sitar, tabla, kathak et chants au programme de la première semaine dans le Rajasthan, au Fort Chanwa de Luni, à une quarantaine de kilomètres de Jodhpur, j’ai en outre été pris d’un terrible mal de dos. Mais qui m’a au moins valu un fabuleux massage sur un toit au soleil, l’astre nous assurant, dans la journée, de très agréables températures. L’ostéopathe indien m’a remis d’aplomb. Pour le dos du moins. J’ai immédiatement ressenti les bienfaits de son intervention, et en quelques jours la douleur est passée. Quels magiciens ces Indiens.
J’étais d’abord passé par les mains de Timmy. Ce dernier vit, avec sa copine française Isabelle, dans son État du Kerala. Ielles sont, tout-toute deux, à fond dans l’ayurveda, le bio et tout ça. Isabelle a un peu raconté un jour dans une jeep, en route vers le désert des environs de Jodhpur, à l’échantillon du groupe dont moi qui s’y trouvait, le caractère certes passionnant mais très prenant voire parfois harassant de leur activité. Elle a pris l’exemple des dégâts sans cesse occasionnés par l’énorme paon, cet oiseau majestueux symbole de l’État du Kerala que j’ai tant eu de plaisir à admirer, parmi quantité d’autres représentants de la gente aviaire. Every day a bird made my day. Évri dey eu beurd meyd maï dey. Chaque jour un oiseau « a fait [illuminé] ma journée ». L’inde est mon rotolu de pâmade sur les oiseaux, et pour le nombre d’espèces d’entre eux découvertes : pas loin d’une en moyenne par jour, plusieurs par semaines en tout cas, pendant toute la durée de mon séjour dans le Rajasthan et dans le Kerala un an et demi auparavant. J’ai passé un bon quart d’heure un jour à Sree Chitrah II à « courser » un pivert d’un palmier à l’autre du parc du centre d’ayurvéda. En me rendant à mon rendez-vous avec Timmy, je suis entré, par inadvertance, dans la chambre du beau Sunny qui a dirigé l’atelier Bollywood du festival de Raaga Tala au Fort Chanwa, tout au long duquel des musiciens-ciennes, chanteurs-teuses et danseurs-seuses se sont produits-duites, tous les soirs, dans le jardin du superbe édifice historique. Dans ses différents patios, ielles ont initié, tous les jours, la trentaine de membres du groupe de Français-çaises à leur spécialité. Imran, notre organisateur et cithariste en chef, a officié pour son instrument.
Je me suis donc empressé quant à moi de m’inscrire, avec Vanessa, aux cours de Sunny. Sunny Singh, chorégraphe de danses de Bollywood renommé installé à Madrid, est aussi sunny que funny, aussi solaire que drôle. Ah ça, on ne s’est pas ennuyées-yé (yeah ! yeah ! ah là, oui), avec lui. Mais il est avant tout un grand professionnel, qui a tourné dans une cinquantaine de films, et qui nous a préparées-ré[6] d’une main de ces maîtres et autres gourous du festival, pour notre show final. Ma difficulté à respirer, à cause de ma bronchite, et mon mal de dos (+ les boyaux, quel tableau), m’ont toutefois empêché de suivre les cours jusqu’au bout et de m’illustrer, sur scène, à ses côtés et celui de ses midinettes en folie. Dans le bus, lors de l’une de nos excursions quotidiennes à Jodhpur et dans les environs, alors que Sunny exerçait ses talents d’animateur, je suis allé le trouver depuis mon siège du fond au niveau de la cabine des chauffeurs où il se tenait et lui ai dit : « T’as de la chance que je sois aphone [eh oui, aussi !], car sinon je vous aurais interprété un chant basque. » Que n’avais-je dit ? ll ne m’a pas lâché. J’ai dû chanter. Avec ce qu’il me restait de voix. Il était ravi, et m’a dit, entre deux vestiges des temples d’un parc dans lequel nous nous promenions, à la halte suivante : « Merci beaucoup Xavier. L’important, c’est qu’on s’amuse. Ça fait plaisir, quand des gens participent. » C’est quand tu veux Sunnychou ! (À hauteur de mes moyens.)
À l’heure du massage que Timmy, thérapeute et professeur de yoga, m’a donc aimablement proposé de m’administrer afin de tenter de soulager mon dos, je suis monté à sa chambre, au premier étage d’un bâtiment de l’une des cours intérieures du fort. J’ai vu une porte ouverte, de la lumière et je suis entré, d’un pas décidé. Mais là, qui en lieu et place de Timmy ? Sunny ! Torse nu. « Xabi, qu’est-ce que tu fais là ?! », s’est-il écrié. Je m’étais trompé de chambre, celle d’IsaTim se trouvant deux portes plus loin. Je suis ressorti aussi sec, hilare, après une tirade du clown, pour regagner celle où j’étais attendu. La narration de mon irruption dans sa chambre a constitué le thème, le cours d’après, de l’un de ces impayables sketchs dont Sunny a gratifié, toute la semaine, ses élèves enchantées-té. Ce n’est toutefois pas Monsieur Soleil mais l’héliophile que je suis qui a lancé la pratique des déjeuners dans la douce radiation diurne, aux quelques tables et chaises en fonte installées dans la cour principale – le grand et magnifique jardin du fort où la scène, pour les spectacles, tous les soirs, était dressée –, à dix mètres au large du restaurant où nous prenions nos repas. J’ai entrepris d’aller y profiter, le deuxième ou troisième jour, après m’être servi au buffet, de la température autour de vingt-cinq degrés (à l’ombre) qui devait régner, la journée, contre à peine quelques degrés au-dessus de zéro les soirées et nuits les plus fraîches. Mais Sunny a été le premier, avec ses collègues danseuses de Montpellier, à m’emboîter avec grand enthousiasme le pas. « T’as raison, Xabi, on a besoin de soleil ! », s’est-il réjoui. Un plaisir renouvelé tous les jours du reste de la semaine.
Après un dîner précédé du fantacle quotidien, Isabelle, Timmy et moi, sur le chemin de retour vers nos pénates, aux alentours de vingt-trois heures, arrivés-vée dans la cour de leurs quartiers adjacents, donc, à ceux de Sunny, sommes tombés-bée sur lui. Il était en plein footing, effectuant des allers et retours dans le jardin d’une vingtaine de mètres de long cerné des antiques murs en pierre, arcades et coursives de cette partie du fort. Je n’aurais pas osé perturber le maître qui, dans son exercice, des écouteurs sur les oreilles, avait l’air fort concentré. Mais la turbulente Isabelle, dans deux ou trois pas chassés, s’est élancé vers lui, le contraignant à la contourner. Sunny n’a pas bronché davantage qu’en levant la tête une demi-seconde pour lâcher un machinal « kingfisher » (tout lui : surréalisme, et grande classe surtout) : le nom, en anglais, du martin pêcheur local. Isabelle est revenue vers Timmy et moi et je lui ai dit : « Il te dit ça à cause de l’oiseau ? » Car au cou de ma co-vacancière pendait, dans son dos, par-dessus sa tunique indienne, une de ces magnifiques écharpes aux couleurs vives et chatoyantes dont les Indiens ont le secret, telles les ailes de cet autre sublime oiseau et d’un bleu lumineux identique à celles-ci. Isabelle du tac au tac de rétorquer : « Non, c’est la bière, ils nous a vu en boire tout à l’heure. » De la marque du nom de l’oiseau. Pour réaliser la seconde d’après : « Mais oui, l’oiseau, à cause de l’écharpe ! T’as raison ! C’est énorme !!! » On s’est bidonnés, et on est allés se coucher.[7]
- ↑ Très belle personne
- ↑ À laquelle Manno lui-même a appartenu ! Mais il en est fort heureusement depuis longtemps revenu, car le Valeureux d’entre les Valeureux-reuses, et à plus forte raison du fait de ses penchants sexuels, ne pouvait pas ne pas se rendre compte que quelque-chose, chez les gens de ladite (espèce), ne tournait vraiment pas rond.
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- ↑ J’espère que ça va continuer, après que je lui ai peinturluré le derrière.
- ↑ Si ma tante en avait ce serait mon oncle, mais moi si je n’en avais pas j’aurais concouru pour Miss France.
- ↑ Laurent, le (relativement) beau gosse du groupe, a également participé à quelques cours, mais après que j’ai moi-même été contraint d’abandonner. Ceux-ci n’ont donc systématiquement compté qu’un « é ». Tout le reste c’étaient des « ées ».
- ↑ Brigitte, Chantal, Françoise, Laetitia, Laurent, Marie-Noëlle, Pierre, Joëlle, Anne, Melody, Alexandra... : j’avais rapporté deux-trois autres anecdotes, bien que pas forcément aussi haletante que celle qui précède, mettant en scène quelques-uns-zunes de mes autres camarades, que les tempêtes binaires ont également balayées (les anecdotes pas mes camarades, merci pour ielles), malgré de scrupuleuses sauvegardes. Dieu ! Bouddha ! Patata ! Ils avaient quoi, tous ces passages dont vous n’avez pas voulu ?! Hein ?! Vous m’expliquez ?! Angelu : « Hé ! Ho ! Mollo ! Tu vas voir, tes auspices, sinon… »